Ce qui montre que les limites au pétrole conduisent à une croissance économique en déclin

Par Gail Tverberg
13 juillet 2017

L’hypothèse que font habituellement les économistes, les conseillers financiers et les actuaires, c’est que la croissance future du PIB réel devrait être très proche de celle que l’on a connue en moyenne sur une certaine période de temps dans le passé. Cette hypothèse peut prendre des formes variées – le rendement auquel on peut s’attendre d’un portefeuille sur une période future, le niveau des taux d’intérêt réels (c’est-à-dire hors inflation) auxquels on peut s’attendre à l’avenir, ou le pourcentage de PIB que le gouvernement d’un pays peut emprunter en toute sécurité.

Et si cette hypothèse était fausse, et que la croissance attendue du PIB réel baissait réellement avec le temps ? Alors les estimations de financement des régimes de retraite se révéleraient trop faibles, les rendements d’investissement que donnent les conseillers financiers à leurs clients seraient surestimés, tout comme les montants que les gouvernements peuvent emprunter en toute sécurité. D’autres affirmations peuvent également être complètement fausses – comme par exemple ce que coûtera, en pourcentage du PIB, le fait d’atténuer le changement climatique – ces estimations dépendant beaucoup trop des hypothèses de croissance du PIB future.

Si l’on dessine un graphe à partir de données historiques, on voit très clairement que les taux de croissance du PIB réel ont peu à peu baissé au cours des dernières décennies. Si l’on prolonge ces tendances, les taux de croissance du PIB attendus en Europe et aux États-Unis semblent plus aller vers une contraction que vers une croissance. Cela pourrait être une preuve de limites à la croissance du type décrit dans le livre Limits to Growth publié en 1972 par Meadows et al.

Figure 1 PIB mondial avec des courbes de régression exponentielle Réel 4,7% 4,2% 3,7% 3,1% 1,3% PIB réel (milliers de de milliards de dollars US de 2005)

Figure 1. PIB réel mondial, avec des courbes de régression exponentielle calculées pour certaines périodes de temps. Les données de PIB réel mondial proviennent du Service de recherche économique de l’USDA. Les périodes de temps choisies sont 1969–1973, 1975–1979, 1983–1990, 1993–2007 et 2007–2011.

Les droites de régression de la figure 1 ont été calculées pour les périodes de temps choisies selon des modèles de croissance de l’approvision­nement en pétrole (décrits plus loin dans cet article), car cet approvision­nement limité en pétrole semble être l’un des principaux facteurs limitants de la croissance du PIB réel. Il est important de noter que dans ce graphe, plus on se rapproche du temps présent, plus le taux de croissance indiqué par le graphe est faible. Par exemple, la régression montre une croissance moyenne de 4,7% par an sur la première période de temps, contre 1,3% pour la période la plus récente.

Dans cet article, nous allons étudier les éléments qui démontrent que la croissance économique ralentit progressivement, et discuter des raisons supplémentaires pour lesquelles on pourrait s’attendre à une telle baisse à long terme du PIB réel.

Lien entre croissance du PIB et croissance de l’approvision­nement en pétrole

Cela ne devrait surprendre personne de constater qu’il existe un lien étroit entre croissance du PIB et croissance de l’approvision­nement en pétrole. Le pétrole a de très usages très nombreux et variés : fabrication de produits (tissus synthétiques, produits pharmaceutiques, produits chimiques, asphalte pour les routes...), transport de biens et de personnes, production alimentaire (labour, récolte, herbicides, irrigation alimenté au fioul), fonctionnement d’engins de chantier, exploitation minière, etc. Bien qu’il soit possible, dans certains cas, de remplacer le pétrole par autre chose, ou d’utiliser le pétrole de manière plus efficace, nous avons littéralement des milliers de milliards de dollars de machines à travers le monde qui consomment du pétrole à l’heure où j’écris ces lignes. De ce fait, le rythme de substitution du pétrole ne peut être que très lent.

James Hamilton a montré qu’aux États-Unis, 10 des 11 récessions qui se sont produites après la Seconde Guerre mondiale étaient associées à des pics de prix du pétrole. Il a également publié un article qui établissait en particulier un lien entre la récession de 2007–2008 et la stagnation de la production mondiale de pétrole, et la hausse des prix du pétrole que cette stagnation a provoquée. Pour ma part, j’ai écrit un article scientifique intitulé Limites de l’approvision­nement en pétrole et la crise financière qui persiste, où j’explique certains des liens que je vois être en jeu.

L’un des liens entre approvision­nement en pétrole et économie est le fait que, lorsque les prix du pétrole augmentent, ce qui est le signe d’une offre insuffisante, les salaires n’augmentent pas en conséquence. Le combustible nécessaire pour aller au travail ou se nourrir (car la nourriture est cultivée et transportée grâce à du pétrole) est des besoins de base, et son prix a tendance à augmenter avec ceux du pétrole. Les consommateurs réduisent alors leurs achats de biens et services discrétionnaires pour avoir assez d’argent à leur disposition pour pouvoir répondre à ces besoins. Cela conduit à des licenciements dans divers secteurs économiques, et à toute une série d’autres effets que nous associons généralement à la récession économique.

La figure 2 ci-dessous montre l’approvision­nement mondial en pétrole (défini au sens large, en y incluant les agrocarburants) par des droites de régression calculées pour diverses des périodes de temps présentant des profils de croissance similaires. J’ai utilisé les mêmes périodes de temps que celles de la figure 1, à une petite exception près : je ne dispose de données cohérentes de PIB réel que jusqu’à 1969. Je me suis donc arrêtée en 1969 plutôt qu’en 1965 comme avec le PIB.

Figure 2 Approvisionnement mondial en pétrole avec des courbes de régression exponentielle Réel 7,8% 3,4% 2,0% 1,6% 0,4% Millions de tonnes

Figure 2. Approvision­nement mondial en pétrole avec des courbes de régression exponentielle calculées par l’auteur. Les données de consommation de pétrole proviennent du BP Statistical Review of World Energy 2012.

Ce que montre la figure 2, c’est un schéma de baisse tendancielle des taux de croissance de l’approvision­nement en pétrole, semblable au déclin que nous avons vu pour le PIB réel dans la figure 1. Dans la figure 2, la croissance de l’approvision­nement en pétrole passe de 7,8% par an durant la première période sur laquelle une régression est calculée, à 0,4% par an au cours de la dernière période de régression. Les périodes de temps pour lesquelles je n’ai pas calculé de régression sont toutes des périodes de baisse de la consommation mondiale de pétrole. Un rapide coup d’œil à la figure 1 montre que ces périodes sans régression (là où les données « réelles » en noir sont bien visibles dans la figure 1) correspondent à des périodes où le PIB mondial est resté relativement stable – comme on pourrait s’y attendre si l’on associe des prix élevés ou une pénurie d’approvision­nement à la récession.

Personne ne s’attendrait à ce que les deux types de taux de croissance (approvision­nement en pétrole et PIB réel) soient exactement les mêmes. Le taux de croissance du PIB serait probablement être plus élevé que celui de l’approvision­nement en pétrole, car en théorie, ce dernier a plusieurs raisons d’être faible : passage progressif et constant du pétrole vers des formes d’énergie moins chères (souvent, de l’électricité) ; amélioration de l’efficacité énergétique ; et évolution progressive de l’économie vers toujours plus de services. (Les services consomment moins d’énergie par unité de PIB que la fabrication de biens.)

Si l’on compare les deux taux de croissance (consommation mondiale de pétrole et PIB réel mondial) après calcul de régression, voici à quoi cela ressemble :

Figure 3 Croissance mondiale du PIB vs. de l’approvisionnement en pétrole Croissance de la consom. de pétrole Croissance du PIB Taux de croissance annuelle obtenu par régression

Figure 3. Croissance de l’approvision­nement mondial en pétrole par rapport à la croissance du PIB mondial, d’après des courbes de régression exponentielle calculées sur les valeurs pour certaines périodes de temps. Les données de PIB mondial proviennent du Service de recherche économique de l’USDA. La première période considérée est 1969–1973 aussi pour le pétrole que pour le PIB, pour s’assurer de la cohérence des données.

Il est possible que la tendance à la baisse du PIB réel soit minimisée

La dernière chose que souhaitent les gouvernements, c’est que leurs électeurs sachent que l’économie est moins capable de croître que par le passé. Les États ont (au moins) deux manières à leur disposition pour faire croître le PIB réel :

  1. Sous-estimer l’inflation. La manière dont on calcule le « PIB réel » implique de commencer par calculer le PIB comme étant la hausse de la quantité de biens et de services vendus au cours de la période en question, puis de « diminuer » ce montant de la hausse du PIB due à l’inflation. Les économistes ont une certaine latitude pour déterminer le montant de l’inflation à prendre en compte. Par exemple, à l’origine, il me semble que quand le prix du bœuf augmentait, cela affectait directement le calcul du taux d’inflation. À présent, une hypothèse implicite est posée, selon laquelle l’acheteur serait prêt, dans une certaine mesure, à remplacer la viande de bœuf qu’il achète plus chère par du poulet, ce qui réduit l’inflation supposée, et augmente le montant de PIB réel (calculé). Beaucoup d’autres choses peuvent ainsi être manipulées – par exemple, la manière dont le coût du logement est inclus dans le calcul. Le site Shadowstats donne une idée de la manière dont tous ces changements de méthodologie opérés depuis 1983 faussent les montants déclarés de PIB réel aux États-Unis.
  2. Encourager la création d’une grande quantité de dette supplémentaire. Le PIB réel regarde la quantité de biens et les services qui sont produits et vendus, et non la manière dont ils sont payés. Si le gouvernement parraine un programme visant à fournir des prêts immobiliers à des personnes qui n’ont aucune chance de pouvoir les rembourser un jour, et que cela conduit à vendre plus de logements, cela aidera à faire augmenter le PIB réel – du moins jusqu’à ce que les emprunteurs commencent à faire défaut sur leurs emprunts. Les hausses des autres types de prêts, notamment automobiles, étudiants et souverains, ont aussi pour effet d’accroître le PIB réel.

En plus d’augmenter le PIB réel, l’endettement augmente également pour accroître l’emploi, car il faut que les travailleurs construisent les choses que les gens qui obtiennent les prêts peuvent maintenant se permettre. Dans les autres mondes, les montants de prêts plus élevés augmentent l’emploi de personnes qui construisent de nouvelles voitures ou de nouvelles maisons ou qui enseignent dans les universités.

Le problème que pose le fait d’encourager un endettement supplémentaire, c’est qu’à un certain moment, le montant de dette devient trop élevé pour ses détenteurs, et ils réagissent en commençant à réduire leurs autres achats. Par exemple, il est probable que les jeunes diplômés qui sont déjà très endettés du fait de leur prêt étudiant ne rejoindront pas de sitôt le marché immobilier, sauf à recevoir un salaire très élevé. Une dette supplémentaire finira donc, à un moment ou à un autre, par devenir autodestructrice, surtout si l’économie ne croît que lentement. Il semble qu’une trop grande quantité de dette soit l’une des limites qui s’ajoutent aux limites au pétrole auxquelles nous sommes désormais confrontés.

Autres facteurs freinant la croissance du PIB réel

Nous vivons dans un monde fini, et cette réalité impose des limites. La quantité de terres adaptées aux cultures ne croît pas au fil du temps. La quantité d’eau douce utilisable pour l’irrigation et tous les autres usages est limitée. Dans de nombreuses régions, le niveau des nappes phréatiques baisse. La qualité des minerais diminue, car les hommes ont tendance à extraire le minerai de plus haute qualité en premier.

La pollution, y compris au dioxyde de carbone, conduit à essayer de remplacer les combustibles fossiles par des alternatives plus coûteuses. Cela conduit aussi à rajouter des dispositifs, comme par exemple des filtres coûteux. Dans les deux cas, cela augmente les coûts sans accroître la quantité de biens et de services utilisables (tels qu’habituellement définis) qui sont produits. On peut s’attendre à ce que les gens réduisent les fonds qu’ils dédient à l’achat de biens discrétionnaires (puisque ceux qu’ils dédient à leurs impôts et à d’autres postes indispensables ne peut pas l’être), ce qui exerce une pression à la baisse sur la croissance du PIB réel.

Il y a aussi le problème du nombre de travailleurs présents qui s’ajoutent au marché du travail. Si, par exemple, au début, de nombreuses femmes au foyer rejoignent le marché du travail, cela aura tendance à augmenter la croissance du PIB, car les produits et services qu’elles créent vont être ajoutés au PIB réel, tout comme le coût de la garde de leurs enfants, si elles y ont recours. Une fois les femmes au foyer massivement absorbées au sein de la population active, cette influence positive sur le PIB réel va disparaître. Si le nombre de personnes employées commence à baisser (à cause d’un plus grand nombre de départs à la retraite, ou parce que les gens n’arrivent pas à trouver un travail), ou s’il est incapable de croître rapidement, cela aura tendance à ralentir la croissance économique.

Les pays importateurs de pétrole risquent d’avoir une croissance économique plus faible que les autres

Plusieurs raisons expliquent pourquoi il faut s’attendre à ce que les pays importateurs de pétrole aient une croissance économique moindre que celle des autres pays, en particulier quand les prix du pétrole sont élevés. Tout d’abord, les pays importateurs de pétrole ont le problème consistant à devoir payer les pays exportateurs pour leur pétrole brut ou leurs produits pétroliers. Les revenus consacrés à l’achat d’un pétrole brut plus cher auraient pu, sinon, être dédiés à des dépenses discrétionnaires. Il est peu probable que les pays exportateurs de pétrole réinvestissent cet argent dans l’économie des acheteurs de leur pétrole – ils y a largement autant de chances qu’ils le réinvestissent dans leur propre pays.

La deuxième raison, c’est que les pays importateurs de pétrole ont tendance à être ceux, comme les États-Unis et les pays d’Europe, qui ont « développé leurs économies » en premier. Comme ces pays ont massivement embauché les femmes depuis la Seconde Guerre mondiale, la plupart des femmes au foyer qui cherchent un emploi en ont déjà un. Si les taux de natalité ont ralenti, ces pays peuvent voir une croissance disproportionnée de leur population de retraités, et une baisse du nombre de travailleurs dans les tranches d’âge qui correspondent habituellement à une activité rémunérée.

Aux États-Unis, si l’on effectue une régression linéaire (du type de celles des figures 1 et 2) sur le nombre déclaré de travailleurs non agricoles employés aux États-Unis (tel que publié par le Bureau des statistiques sur le travail américain), et que l’on compare ces taux tendanciels de l’emploi avec le taux tendanciel de croissance du PIB des États-Unis, on trouve une forte corrélation :

Figure 4 Croissance mondiale du PIB vs. de l’approvisionnement en pétrole Croissance de la consomm. de pétrole Croissance du PIB Taux de croissance annuelle obtenu par régression

Figure 4. Croissance du nombre de travailleurs non agricoles aux États-Unis par rapport à la croissance du PIB réel. Les données de PIB réel des États-Unis proviennent du Bureau d’activité économique des États-Unis. Les chiffres de l’emploi non agricole proviennent du Bureau des statistiques sur le travail des États-Unis. Les périodes de temps choisies sont 1969–1973, 1975–1979, 1983–1990, 1993–2007 et 2007–2011.

Notons qu’une baisse de la croissance du nombre d’employés peut avoir diverses causes – une moindre croissance de l’immigration illégale, un moins grand nombre de femmes au foyer revenant sur le marché du travail, un plus grand nombre de personnes faisant des études supérieures ou un plus grand nombre de départs à la retraite ou de personnes déclarées invalides, ou tout simplement découragées de rechercher un emploi.

J’observe que le nombre actuel de travailleurs aux États-Unis semble dépendre du nombre d’emplois disponibles. Si dans certains secteurs, les emplois sont de plus en plus délocalisés dans des pays à moindre coût – les pays qui, comme la figure 7 va le montrer, utilisent à présent une part disproportionnée du pétrole mondial – alors ces emplois ne seront pas disponibles, quel que soit le nombre de travailleurs qui seraient prêts à les accepter s’ils étaient disponibles.

Si l’on considère la tendance que suit la croissance du PIB réel dans trois grandes régions du monde (États-Unis, Europe des 27 et reste du monde), on découvre qu’en effet, ces trois régions montrent une tendance à la baisse de leur PIB réel au fil du temps (figure 4 ci-dessus). La croissance du PIB de l’Europe des 27 et des États-Unis part de plus bas, et baisse que vite sur 2007–2011 (à l’époque où le prix des importations de pétrole était un très gros problème) que celle du reste du monde.

Figure 5 Croissance du PIB vs. de l’approvisionnement mondial en pétrole Monde entier Reste du monde États-Unis Europe des 27 Taux de croissance annuelle obtenu par régression

Figure 5. Croissance annuelle de l’approvision­nement mondial en pétrole et du PIB réel, toutes deux après calcul de régression exponentielle sur les valeurs de certaines années. Les données d’approvision­nement en pétrole proviennent des données de consommation de pétrole publiées par BP dans sont Statistical Review of World Energy 2012. Les données de PIB réel proviennent du Service de recherche économique de l’USDA.

L’une des raisons qui peuvent expliquer que le reste du monde arrive à obtenir un meilleur PIB, c’est le fait que l’industrie lourde et manufacturière, et les emplois qui vont avec, se retrouvent peu à peu délocalisés dans des pays à moindre coût. Il est également possible que les prix élevés du pétrole dissuadent les pays importateurs d’acheter du pétrole. Si l’on regarde la consommation de pétrole pour les trois régions du monde, voici ce que l’on voit :

Figure 6 Consommation de pétrole par région du monde États-Unis Europe des 27 Reste du monde Millions de tonnes par an

Figure 6. Comparaison de la consommation de pétrole par région (États-Unis, Europe des 27 et reste du monde), d’après les données du BP Statistical Review of World Energy 2012.

Une bonne part de l’industrie lourde américaine et européenne a été délocalisée. La figure 7 ci-dessous montre que le reste du monde consomme désormais plus de la moitié du pétrole mondial :

Figure 7 Répartition de la consommation mondiale de pétrole Reste du monde Europe des 27 États-Unis

Figure 7. Répartition de la consommation mondiale de pétrole entre les États-Unis, l’Europe des 27 et le reste du monde, d’après le BP 2012 Statistical Review of World Energy 2012.

Prolongation des tendances

Nous avons vu (figure 5 ci-dessus) que dans les trois groupes présentés (États-Unis, Europe des 27, et reste du monde), les PIB réels étaient en déclin, tout comme le PIB réel mondial. Les taux de croissance du PIB aux États-Unis et dans l’Europe des 27 sont plus faibles que ceux du reste du monde et du monde entier, pour les raisons que nous avons vues.

Il est difficile de trouver une raison qui ferait que les tendances actuelles ne se prolongent pas, et qui empêcherait la croissance du PIB réel de continuer de baisser pour chacun des trois groupes de pays. Peu importe que la presse aux États-Unis se jette régulièrement sur les annonces d’une croissance supposée de l’approvision­nement en pétrole, le fait est que la croissance de l’approvision­nement mondial en pétrole est une source d’inquiétude pour nombre de personnes depuis une quarantaine d’années, c’est-à-dire depuis que la production pétrolière américaine a commencé à baisser en 1970. Il est difficile de croire que la dernière « mesure corrective » du moment va radicalement changer les choses. Le schéma typique de l’approvision­nement en pétrole consiste à voir l’extraction d’une région finir par atteindre un maximum (ou peut-être un plateau), avant de décliner de manière structurelle.

Figure 8 Production de pétrole brut pour certaines régions États-Unis (48 États) Europe Canada Millions de barils par jour

Figure 8. Production de pétrole brut dans les 48 États continentaux des États-Unis (hors Alaska et territoires fédéraux outremer), au Canada et en Europe, d’après les données de l’US Energy Information Administration.

La figure 8 montre (entre autres) combien le déclin de la production pétrolière des États-Unis dans les 48 États continentaux des États-Unis a commencé par être rapide dès son début, en 1970. Ce déclin a préparé le terrain à l’embargo arabe sur le pétrole en 1973, puisque les pays producteurs de pétrole avaient alors pris l’avantage. La production de pétrole en Alaska et dans le Golfe du Mexique a fini par compenser une partie de la baisse. Cependant, la production pétrolière de l’Alaska (non montrée ici) baisse elle aussi désormais. Le changement d’équilibre de la puissance en matière de production pétrolière suite au déclin de la production américaine, et la reconnaissance du fait qu’une hausse des importations de pétrole généreraient des problèmes de balance des paiements semblent avoir influé sur la décision des États-Unis et des pays d’Europe de se concentrer sur les industries de services et les industries à faible consommation de pétrole, pour réduire leur consommation de pétrole (figure 6).

La figure 8 montre également l’effet des nouvelles techniques d’exploitation – fracturation hydraulique et autres techniques de récupération assistée du pétrole – sur la production de pétrole brut aux États-Unis. Même si, par rapport à 2006, la production de pétrole brut des 48 États continentaux des États-Unis montre une croissance de 25%, cette production ne représente toujours que 39% de la quantité produite en 1970, et elle est à peu près égale à celle produite en 1942. La production de pétrole du Canada (qui inclut les sables bitumineux) augmente, mais pas très rapidement, en partant de très bas. De petites hausses comme celles du Canada et des 48 États continentaux des États-Unis peuvent difficilement compenser les déclins majeurs de la production observée en Europe et ailleurs. Si les changements dans l’approvision­nement mondial que relève fréquemment la presse américaine faisaient vraiment une grande différence, on verrait l’approvision­nement mondial en pétrole augmenter de bien plus qu’une fraction de pour cent par an.

Si la croissance de l’approvision­nement mondial en pétrole est contrainte, et que cet approvision­nement pourrait bien commencer à baisser globalement dans un petit nombre d’années, cela constitue une pression supplémentaire à la baisse sur la croissance du PIB mondial pour toutes les régions du monde. Réexaminer les hypothèses de croissance du PIB semble être donc indispensable. La croissance atone récemment constatée n’est peut-être pas une aberration – il est bien possible que la croissance à venir du PIB réel soit encore plus faible.