Par Gail Tverberg
30 janvier 2019
Il y a quelques années, en particulier entre 2005 et 2008, de nombreuses personnes craignaient que l’approvisionnement en pétrole ne s’épuise. Ce qui les inquiétaient, c’étaient les prix élevés du pétrole, et le fait qu’il puisse y avoir besoin de le rationner. Ce récit, on l’appelait souvent celui du « pic pétrolier ». En plus de ce récit, les théoriciens du pic pétrolier ont proposé des outils calculatoires que l’on pouvait utiliser pour déterminer quels substituts aux combustibles fossiles semblaient les plus prometteurs. Parmi les éléments de ce récit du pic pétrolier, lesquels sont corrects, et lesquels induisent en erreur, voire sont erronés ? Attardons-nous ensemble sur quelques-uns d’entre eux.
La réalité, c’est que pour fonctionner, l’économie repose sur un approvisionnement en énergie abordable. Sans un tel approvisionnement en énergie, nous ne pourrions fabriquer ni bien ni service de quelque sorte que ce soit. Le PIB mondial serait égal à zéro. Tout ce dont nous disposons, qui va de la nourriture à notre table aux pixels de notre ordinateur, en passant par les routes sur lesquelles nous roulons, ne peut exister que parce que l’économie « dissipe » de l’énergie. Même nos emplois dépendent du fait de dissiper de l’énergie. Une petite partie de cette énergie est de l’énergie humaine ; la très grande majorité est de l’énergie des combustibles fossiles et de l’énergie d’autres sources qui supplémente l’énergie humaine.
En général, les adeptes du pic pétrolier ont bien compris cette partie de l’histoire. Mais ils passent souvent à côté de la partie « abordable » de l’histoire. Les économistes, quant à eux, refusent l’histoire dans sa totalité. Pour une large part, cela provient du fait qu’accepter l’idée que l’économie soit liée aux combustibles fossiles et à d’autres sources d’énergie dont l’approvisionnement semble limité, leur poserait d’énormes problèmes. À partir du moment où l’on accepte que la croissance économique soit directement liée à la consommation de ressources énergétiques qui sont limitées, parler de croissance sans fin devient impossible.
Les producteurs de combustibles fossiles ont tendance à extraire d’abord les combustibles les plus faciles à extraire. Avec le temps, même en prenant en compte les progrès techniques en matière d’extraction, cela a tendance à accroître les coûts d’extraction des combustibles restants. Les tenants du pic pétrolier ont très vite établi ce lien.
La question qui se pose alors est la suivante : « Est-il possible de répercuter ces coûts d’extraction accrus sur le consommateur sous la forme de prix plus élevés ? » Les théoriciens du pic pétrolier ont, comme nombre de personnes, eu tendance à répondre par l’affirmative : « Évidemment qu’un coût accru de l’extraction du pétrole conduira à une hausse des prix du pétrole. L’énergie est cruciale pour l’économie. » Et de fait, nous avons constaté des prix du pétrole très élevés entre 1974 et 1981, entre 2004 et 2008 et entre 2011 et 2013.
Malheureusement, il est faux de croire que des coûts accrus d’extraction puissent toujours être répercutés sur les consommateurs sous la forme de prix plus élevés. De nombreux coûts énergétiques se trouvent très bien « enfouis » à l’intérieur de produits finis, comme la nourriture, les voitures, les climatiseurs, les camions... Au bout d’un moment, les prix de l’énergie « passent au-dessus » de ce qui est abordable pour les gens, compte tenu de leur niveau de revenus du moment et des taux d’intérêt en vigueur. Ce niveau de prix de l’énergie abordable varie avec le temps, des taux d’intérêt plus bas et des montants de dette plus élevés permettant généralement de supporter des prix de l’énergie plus élevés. De plus grandes disparités de revenus aura tendance à abaisser le seuil de prix abordable, car les travailleurs qui peuvent se permettre d’acheter ces produits finis seront moins nombreux.
Le problème sous-jacent, c’est que, du point de vue du consommateur, des prix élevés du pétrole ressemblent à de l’inefficacité de la part de la compagnie pétrolière. Normalement, l’inefficacité entraîne des coûts qui ne peuvent pas être répercutés sur le consommateur. Nous ne devrions pas être surpris qu’il puisse arriver un moment où répercuter ces coûts accrus sous de prix plus élevés cesse d’être possible.
L’impossibilité de répercuter des coûts d’extraction accrus sur les consommateurs met les producteurs d’énergie dans une terrible situation. Après un petite nombre d’années, cela a tendance à faire atteindre un maximum de la production d’énergie, car les producteurs, et les États dans lesquels ils opèrent, ont tendance à faire faillite. Il semble que cette situation soit celle que nous sommes en train d’atteindre pour le pétrole, le charbon et le gaz naturel. Il s’agit d’une situation bien plus grave que celle de prix élevés, parce que des prix élevés ont tendance à faire croître l’approvisionnement ; à l’inverse, des prix bas ont tendance à faire s’effondrer le système de production.
Le problème derrière tout cela, c’est que, même lorsqu’ils satisfont le consommateur, des prix bas ont tendance à l’être trop pour les entreprises qui produisent des produits énergétiques. Les tenants du pic pétrolier passent à côté du fait qu’un bras de fer à double sens est en train de se produire. Du point de vue des consommateurs, les prix bas semblent constituer un excellent résultat, mais du point de vue des producteurs, ils sont une catastrophe.
La plupart des avocats du récit du pic pétrolier ont l’air de croire que si la production de chacun des champs de pétrole ou des autres combustibles fossiles, pris isolément, suit la forme de la courbe de Hubbert, alors on devrait s’attendre à voir une courbe de production similaire quand on regarde la totalité de l’approvisionnement en pétrole ou en autres combustibles fossiles. Ils imaginent que combiner les courbes de production actualisées et les chiffres de réserves restantes fourniront une vision réaliste des courbes d’extraction à venir. Il est fréquent que les tenants du pic pétrolier supposent qu’une fois que la production de pétrole, de charbon ou de gaz naturel commencera à baisser, il restera eu monde environ la moitié de la quantité initialement présente. Dans ces conditions, on peut compter sur un déclin assez lent et long de la production de combustibles fossiles.
Cependant, de nombreux adeptes du pic pétrolier conviennent du fait que si l’on soustrait à la quantité d’énergie produite la quantité d’énergie utilisée pour l’extraire, alors que le résultat ressemble plus à une falaise de Sénèque (Figure 2). Sénèque est connu pour avoir écrit : « Ce serait une sorte de consolation pour notre fragilité comme pour celle des choses qui nous touchent, si tout était aussi lent à périr qu’à croître ; mais le progrès veut du temps pour se développer : la chute vient au pas de course. »
Les tenants du pic pétrolier ont également tendance à limiter la quantité de ressources qu’ils considèrent extractibles, et à exclure celles dont le coût est particulièrement élevé.
Même en prenant en compte ce genre de corrections, il me semble que la situation sera probablement encore pis que ce que suggèrent la plupart des analyses de pic pétrolier, en raison du caractère interconnecté de l’économie, et du fait que la population mondiale continue de croître. L’économie n’est pas capable de supporter une forte réduction de la consommation d’énergie par habitant. Certains États pourraient connaître un effondrement ; beaucoup d’emprunteurs pourraient faire défaut ; certaines banques pourraient elles-mêmes faire faillite. La situation pourrait ressembler à celle d’un « effondrement sociétal » qu’ont connu de nombreuses économies du passé.
Un de mes sujets d’inquiétude, c’est le fait qu’il soit facile de tordre le modèle de Hubbert une fois celui-ci devenu le modèle standard pour obtenir une estimation de l’approvisionnement futur probable en énergie. Il a suffi de poser assez d’hypothèses sur les prix de l’énergie en hausse constante et des technologies sans cesse améliorées pour arriver à affirmer qu’à un moment ou à une autre dans le futur, il sera possible d’extraire n’importe quelle ressource en combustibles fossiles présente dans le sol. Des hypothèses aussi extravagantes permettent d’affirmer que notre plus grand problème à venir sera le changement climatique. Après avoir entendu une répétition de prévisions à propos du changement climatique, les gens ont tendance à oublier que nous avons aussi des problèmes énergétiques immédiats, car en règle générale, les bas prix de l’énergie permettent de cacher les problèmes actuels aux yeux des consommateurs.
Le récit des adeptes du pic pétrolier repose sur l’hypothèse que notre principal problème, c’est le pétrole, et que nous avons beaucoup d’autres combustibles à notre disposition. Le pétrole est en effet notre combustible le plus coûteux, et sa densité énergétique est en effet très élevée. Néanmoins, j’estime qu’il s’agit là d’une évaluation erronée de notre situation. Le véritable problème, c’est celui de maintenir le coût moyen de la consommation d’énergie à un niveau suffisamment bas pour que les biens et services fabriqués à partir de produits énergétiques restent abordables pour les consommateurs. Même les ouvriers doivent pouvoir se permettre d’acheter des produits que fabrique l’économie.
C’est pour l’essentiel par la composition du « bouquet énergétique » que l’on arrive à maintenir le coût de la consommation d’énergie à un niveau suffisamment bas. Si le bouquet énergétique est surtout constitué de produits énergétiques à faible coût, comme par exemple du charbon et de la main-d’œuvre provenant de pays à bas salaires, alors il est possible de maintenir le coût global de l’énergie à un niveau suffisamment bas. C’est l’une des principales raisons qui expliquent que les économies chinoises et indiennes ont pu se développer rapidement ces dernières années.
Si les coûts de production sous-jacents augmentent, il ne faut pas s’attendre à ce que changer le bouquet énergétique permette de masquer indéfiniment le problème. Il est probable qu’une récession finisse par survenir si l’on n’arrive pas à maintenir à un niveau suffisamment bas le prix moyen de l’énergie pour les consommateurs, malgré le fait d’avoir changé le bouquet énergétique. Par contre, les producteurs d’énergie dépendent de prix de l’énergie suffisamment élevés pour pouvoir réinvestir à un niveau suffisant. S’ils ne peuvent pas réinvestir à un niveau suffisant, l’ensemble du système aura tendance à s’effondrer.
Toutefois, un effondrement dû à des prix trop bas pour les producteurs ne se produira pas immédiatement. Il est possible de cacher pour un temps le problème par diverses techniques, notamment un endettement supplémentaire des producteurs et des taux d’intérêt plus bas pour les consommateurs. Il semble que nous soyons en ce moment dans la période où il est possible de cacher temporairement les problèmes des producteurs. Une fois ce délai de grâce expiré, l’économie sera en grand danger d’effondrement, pour lequel on ne pourra pas forcément isoler le pétrole en tant que cause première.
Une fois l’effondrement déclenché, de grandes quantités de pétrole, de charbon et de gaz naturel risquent fort de rester dans le sous-sol. Il est même probable qu’une partie d’entre elles cesse d’être disponible avant même d’atteindre le seuil de 50 % de la courbe de Hubbert. La production électrique pourrait très bien s’effondrer en même temps que celles des combustibles fossiles.
La réponse que certains chercheurs en énergie ont proposée est la suivante : « Il faut comparer la quantité d’énergie produite à la quantité d’énergie consommée pour produire cette énergie », dans un calcul appelé Taux de retour énergétique ou EROI. Cette approche ressemble à un simple ratio quantité d’énergie obtenue sur quantité d’énergie injectée, mais comme on dit, « le diable se cache dans les détails ».
En étudiant en détail comment fonctionnait le modèle Limits to Growth, j’ai réalisé que le calcul d’EROI devait s’aligner sur la manière dont fonctionne réellement l’économie. Et si c’est ce qu’on fait, alors l’économie a vitalement besoin d’un retour très rapide de la production d’énergie, par rapport à la quantité d’énergie apportée. En outre, à l’échelle globale, la production d’énergie doit pouvoir croître très vite. De plus, l’énergie effectivement produite doit correspondre aux formes d’énergie dont ont besoin les machines que l’économie utilisent à ce moment-là. Si ce n’est pas la bonne forme d’énergie (comme par exemple de l’électricité au lieu de combustibles fossiles), le calcul d’EROI doit être ajusté pour refléter le coût énergétique attendu et le délai qu’implique le fait de changer de machines pour que celles-ci puissent absorber la nouvelle forme d’énergie produite.
En note de bas de page de cet article, j’ai précisé une liste de ce que je considère comme étant indispensable quand on fait des calculs d’EROI, en me reposant sur plusieurs sources, et notamment le modèle Limits to Growth.1
Il est évident que quand de nombreux chercheurs travaillent sur un même sujet, et que de nombreux articles publiés ont été revus par des pairs, un concept comme celui d’EROI évolue peu à peu par modifications et améliorations successives de divers chercheurs. Par exemple, certains transforment l’EROI en temps de retour énergétique, ce qui permet de montrer à de futurs acheteurs de tel ou tel système énergétique jusqu’à quel point celui-ci est supposé être utile. Les chercheurs qui tâchent de mettre en avant un produit énergétique particulier trouveront le moyen de rendre le calcul d’EROI appliqué à ce produit aussi avantageux que possible pour ce produit.
Le problème, cependant, c’est que si l’on applique des conditions plus strictes à l’utilisation de l’EROI, il faut s’attendre à ce que les EROI calculés pour l’énergie éolienne et solaire leur soit beaucoup moins favorable. Il est probable que ces EROI se retrouvent en-dessous du seuil minimal dont l’économie a besoin pour qu’un système de production d’énergie lui soit utile. En particulier si l’on ajoute massivement ces énergies à l’économie, pour tenter de prendre une part significative de la place occupée par les combustibles fossiles.
Indépendamment de la valeur qu’elles apportent en tant que sources d’énergie, on peut avoir de bonnes raisons de développer les énergies éoliennes et solaires. Il est probable que cela stimule l’économie, au même titre que le fait de construire des routes et des bâtiments d’habitation inutiles. En théorie, il n’est pas impossible que tout cela ait une certaine utilité à un moment ou à un autre. Par exemple, cela en a une quand on les installe, du fait des emplois ainsi créés. Par ailleurs, fabriquer et installer des éoliennes et des panneaux solaires augmente la « demande », ce qui contribue à maintenir le prix du charbon en Chine à un niveau suffisamment élevé pour encourager le fait de continuer d’extraction du charbon. Toutefois, si ce que l’on regarde, c’est ce qui permet à l’économie mondiale de continuer de fonctionner sur le long terme, ou ce qui permet d’augmenter la quantité d’énergie dont l’économie a besoin pour fonctionner correctement, on constate que les énergies éoliennes et solaires apportent très peu.
Les chercheurs d’EROI définissent l’énergie nette comme l’énergie en sortie, moins l’énergie en entrée. Malheureusement, pour autant que je sache, ce calcul ne fournit pratiquement aucune information valide. À la place, cela incite à croire qu’il est possible de définir l’avantage qu’apporte une machine en termes d’énergie en sortie moins l’énergie en entrée. Concrètement, mesurer plus qu’une petite fraction des énergies en entrée qui sont nécessaires pour obtenir de l’énergie en sortie est très difficile, alors que la quantité d’énergie en sortie a effectivement tendance à être facile à mesurer. Cette grande dissymétrie conduit à surestimer de manière grossière l’utilité réelle d’un dispositif énergétique quand on se contente de calculer l’énergie en sortie moins l’énergie en entrée.
Si ce qu’on regarde, c’est un animal, comme par exemple un poisson, on constate que la quantité d’énergie que celui-ci peut consommer pour rassembler de la nourriture n’est pas très élevée, car il doit dédier la grande majorité de son énergie à d’autres fins, comme le fait de respirer, de digérer ou de se reproduire. En général, un poisson ne peut utiliser qu’environ 10 % de son énergie tirée de sa nourriture pour la collecter. Le modèle des Limits to Growth semble suggérer un pourcentage comparable de 10 % pour la part maximale de l’énergie dédiée à récupérer de l’énergie. Ce pourcentage s’appliquerait alors aux ressources nécessaires pour extraire, retraiter et distribuer l’énergie à l’ensemble de l’économie mondiale.
Peut-être faudrait-il trouver un substitut au concept d’énergie nette, dont le calcul reposerait sur le budget maximum de la fonction « Récupération, traitement et distribution de l’énergie ». Par exemple, on pourrait utiliser l’expression surplus d’énergie, que l’on calculerait comme : 10 % de la quantité d’énergie en sortie, moins la quantité d’énergie en entrée, en prenant un périmètre suffisamment étendu au moment de comptabiliser l’énergie en entrée. Si, sur cette base, un produit énergétique obtient une évaluation très favorable, sa production sera peu coûteuse, ce qui le rendra abordable pour les acheteurs. Dans le même temps, le faible coût de sa production laissera au producteur beaucoup d’argent pour pouvoir payer des impôts.
On peut aussi calculer le surplus d’énergie en termes de recettes fiscales que les gouvernements sont en mesure de percevoir sur la production de ce nouveau type d’énergie. Les recettes fiscales qui reposent sur la production et/ou la consommation de combustibles fossiles sont actuellement d’une grande importance : souvent, pour financer leurs programmes, les pays exportateurs de pétrole dépendent en premier lieu des recettes fiscales qu’ils tirent du pétrole. De nombreux pays taxent lourdement la consommation de carburant. On trouve aussi d’autres types de taxe sur les combustibles fossiles, comme une taxe carbone. Toute énergie de remplacement des combustibles fossiles devra aussi fournir un remplacement fiscal pour compenser la perte de recettes fiscales dont l’assiette repose sur les combustibles fossiles, car c’est par l’imposition qu’une société capture les surplus d’énergie pour le bien de l’économie dans son ensemble.
Quand on en regarde les aspects fiscaux, on constate que le fait de remplacer les combustibles fossiles impose trois exigences contradictoires en matière de prix :
Le seul moyen de satisfaire à la fois ces trois demandes est d’avoir un coût extrêmement bas de la production d’énergie lorsqu’elle est non subventionnée. Les énergies éoliennes et solaires sont clairement très loin de respecter ce seuil de prix très bas : elles reposent toujours sur des subventions. L’une des plus grosses subventions, c’est le fait de pouvoir « passer avant tous les autres » sur le réseau électrique dès qu’elles sont en mesure de fournir de l’énergie. Plus on augmente la part des énergies éoliennes et solaires intermittentes reliée au réseau électrique, plus cette subvention génère une perturbation importante.
Non. Je connais très bien nombre de ces chercheurs. Ce sont tous des personnes qui travaillent dur et qui essaient, malgré des ressources financières très faibles, de comprendre ce qui se passe dans le domaine de l’énergie. Certains ont conscience du problème de l’effondrement, mais ce n’est pas un sujet dont ils peuvent débattre dans les journaux scientifiques dans lesquels ils publient habituellement. De très nombreuses personnes ont tourné en ridicule le modèle de The Limits to Growth de 1972, que j’ai mentionné dans mon précédent article. Il leur était impossible d’imaginer que l’économie mondiale puisse s’effondrer, et encore moins à court terme.
Les premiers chercheurs n’avaient pas conscience du fait que la physique de l’extraction d’énergie s’appliquait à l’ensemble de l’économie et qu’elle ne s’arrêtait pas à la tête du puits de pétrole. De ce fait, ils avaient tendance à négliger l’importance de l’accessibilité financière. Or celle-ci a une grande importance, car la fixation du prix est sujet à un conflit entre les prix bas dont les acheteurs de produits énergétiques ont besoin, et les prix élevés dont les producteurs ont besoin. Ce conflit devient de plus en plus visible à mesure que le monde se rapproche des limites énergétiques ; il n’était pas facile à voir dans les données que Hubbert a étudiées. Après que Hubbert est passé à côté du problème d’accessibilité financière, tous ceux qui ont pris sa suite ont eu tendance à emprunter le même chemin.
Les chercheurs devaient bien partir de quelque part. Le point de départ qu’ils ont choisi n’était pas plus déraisonnable qu’un autre. Ils étaient convaincus qu’il existait un problème d’énergie, et ils voulaient convaincre les autres de l’existence de ce problème. Mais y arriver était difficile. Il y avait un gros risque qu’après avoir développé une approche qui, selon eux, montre clairement à tous le problème d’énergie, d’autres chercheurs essaient à le modifier, choisissent n’importe quel élément de leurs travaux leur paraissant utile et le peaufinent pour alimenter le point de vue alternatif qu’ils souhaitent encourager – souvent, avec l’intention exactement inverse de celle poursuivie par les premiers chercheurs.
Ainsi, les approches que les chercheurs en pic pétrolier avaient développées pour montrer qu’il fallait sans doute s’attendre à l’avenir à une pénurie d’énergie, ont été utilisées pour « prouver » que nous avions à notre disposition une quantité presque illimitée d’énergies fossiles. Il semble que le monde ait un besoin de dénouements heureux si irrépressible que son auto-organisation pousse la recherche à arriver aux résultats que les gens ont envie de voir, même s’ils sont faux.
↑1 Voici un extrait d’un courrier électronique que j’ai envoyé à des chercheurs en énergie s’intéressant aux calculs d’EROI :
Un de mes sujets de préoccupation, c’est que l’EROI doit vraiment s’aligner sur la notion de « part du capital nécessaire pour obtenir les ressources non renouvelables » (PCNONR) dans le modèle des Limits to Growth de 2003. Si on regarde attentivement comment fonctionne le modèle World3-2003, on réalise plusieurs choses :