Par Gail Tverberg
21 décembre 2016
Les études sur l’énergie utilisent très souvent le concept de taux de retour énergétique (EROEI). En fait, de nombreux lecteurs semblent se dire : « Bien sûr que l’EROEI est ce qu’il faut regarder quand on compare différentes sources d’énergie. Quel autre outil a autant d’importance ? » Malheureusement, plus on se rapproche des débats des chercheurs, plus on découvre de problèmes. Les gens qui travaillent sur l’EROEI disent régulièrement que « l’EROEI, c’est un outil, mais un outil grossier. Un EROEI de 100 est meilleur qu’un EROEI de 10. Quand les différences entre EROEI sont petites, les choses ne sont pas aussi claires. »
En raison des caractéristiques très particulières du fonctionnement de l’EROEI, des chercheurs différents qui font appel à des analyses EROEI aboutissent à des conclusions très différentes. Deux analyses récentes du photovoltaïque mettent particulièrement bien ce problème en lumière. L’auteur de la première analyse par EROEI l’a utilisée pour justifier le développement du photovoltaïque. L’auteur de la seconde étude a publié un article dans Nature Communications qui affirme : « Un seuil entre avantages et inconvénients cumulés du photovoltaïque, aussi bien en termes de consommation d’énergie que d’émissions de gaz à effet de serre, a été franchi entre 1997 et 2018 en fonction de la performance photovoltaïque et des incertitudes du modèle qui sont considérés ».
D’autres chercheurs qui utilisent l’EROEI et avec lesquels je corresponds ne sont pas d’accord avec ces conclusions. Ils admettent que, dans des situations complexes, les analyses par EROEI ne peuvent pas tout couvrir. D’une manière ou d’une autre, celui qui utilise l’EROEI doit être suffisamment bien informé pour pouvoir se rendre compte que le fait de ne pas pouvoir tout prendre en compte entraîne des biais. Les chercheurs avec lesquels je corresponds doivent contourner ces biais au moment de tirer leurs conclusions. Si eux le font (ou qu’ils essaient de le faire), pourquoi les autres ne le pourraient-ils pas aussi ?
Le problème qui se cache derrière les calculs d’EROEI, c’est que l’EROEI repose sur un modèle très simple. Dans les situations simples, ce modèle ne fonctionne pas trop mal, mais il n’a pas été conçu pour prendre en compte les complexités des énergies renouvelables intermittentes comme le photovoltaïque ou l’éolien. Il a tendance à laisser de côté les coûts indirects, ainsi que les coûts difficiles à mesurer. Il en résulte un sérieux biais, qui a tendance à rendre les EROEI du photovoltaïque (tout comme ceux d’autres sources d’énergie intermittentes, comme l’éolien) beaucoup plus favorables que ce qu’ils devraient être si les calculs étaient faits de manière parfaitement rigoureuse. En réalité, on pourrait qualifier les EROEI publiés pour le photovoltaïque (et aussi l’éolien) de trompeurs. Et le même problème existe pour d’autres calculs similaires, comme les analyses en cycle de vie et les calculs de temps de récupération énergétique.
Les formes alternatives d’énergie qui sont proposées sont couramment analysées en calculant leur taux de retour énergétique (EROEI). Pour chaque forme de produit énergétique que l’on obtient, on calcule un ratio en divisant la quantité d’énergie produite par la quantité d’énergie investie. Un ratio élevé est le signe que cette approche particulière est très efficace, et qu’elle est donc susceptible de fabriquer un produit énergétique peu coûteux. Le charbon est un exemple typique de combustible avec un EROEI élevé. Le bois coupé avec une scie à main aurait également un EROEI très élevé. À l’opposé, on peut s’attendre à ce qu’un faible ratio énergie produite sur énergie investie, comme par exemple pour la production de biocarburants, corresponde à un coût élevé, et que le développement du produit énergétique en question soit déconseillé.
Parmi les concepts dérivés, on trouve aussi celui « d’énergie nette ». On la définit comme la quantité d’énergie qui reste quand on soustrait « l’énergie investie » à « l’énergie produite », ou des variations de cette quantité d’énergie restante1. De nombreux autres concepts dérivés existent, comme le « temps de récupération énergétique » ou les « analyses en cycle de vie ». Ces dernières peuvent prendre en compte toutes sortes de minerais, et pas seulement énergétiques, et elles peuvent aussi inclure les problèmes de pollution et les problèmes énergétiques. De manière indirecte, le sujet de cet article inclut aussi ces concepts dérivés, au même titre que le calcul direct des EROEI.
Les valeurs d’EROEI effectivement calculées varient sensiblement d’un chercheur à l’autre. Du côté de l’entrée, chaque chercheur doit choisir précisément les intrants énergétiques qu’il inclut (fabrication du panneau solaire, transport du panneau solaire vers le chantier, construction de l’usine qui fabrique le panneau solaire, élimination des déchets toxiques, etc.) Ces intrants énergétiques sont alors tous convertis dans une unité commune, comme par exemple les kilowattheures ou les British Thermal Units (BTU). Du côté de la production, les quantités en jeu sont assez claires lorsqu’il s’agit de production de combustibles fossiles, le calcul se faisant alors « en tête de puits ». Lorsqu’il s’agit d’énergie produite d’autres systèmes de production, comme par exemple un panneau solaire, une réponse à plusieurs questions supplémentaires doit être trouvée, y compris le nombre d’années de vie du panneau solaire, et le nombre d’heures de production solaire effectivement disponibles compte tenu de la localisation du panneau solaire (qui peut ne pas être connue du chercheur). En théorie, les coûts énergétiques de l’entretien du système de production d’énergie devraient également être inclus dans le calcul, mais ils ne sont souvent pas disponibles au début de la vie de ce système, au moment où on effectue ces calculs.
Le type d’EROEI dont on entend aujourd’hui parler correspond à ce que j’appellerais le « retour énergétique de l’énergie des combustibles fossiles investis ». C’est un concept développé par Charles Hall au début des années 1970, peu de temps après la publication du livre The Limits to Growth en 1972. En fait, sous la barre de fraction de ce ratio, on trouve parfois aussi d’autres formes d’énergie, comme par exemple l’hydroélectricité. La plupart des personnes qui suivent la littérature scientifique du moment supposeront probablement que ce type d’EROEI est le seul à avoir un intérêt pour débattre des problèmes énergétiques actuels.
En fait, il existe aussi un autre type d’analyse par EROEI, qui date d’avant l’EROEI des combustibles fossiles. Il s’agit du retour du travail animal, une théorie connue sous l’appellation « Stratégie optimale de recherche de la nourriture ». Un retour décroissant du travail animal représente la situation dans laquelle un animal doit marcher (ou voler ou nager) de plus en plus loin, ou de plus en plus en amont, pour trouver la nourriture dont il a besoin. Lorsque leurs EROEI chutent à un niveau trop faible, les populations animales ont tendance à s’effondrer. Charles Hall, professeur en écologie, connaît bien ces questions de retour énergétique du travail animal.
Il y a également une analyse parallèle du retour sur le travail humain. Cela fait de nombreuses années que le retour sur le travail humain est étudié ; on le trouve documenté dans des livres, comme par exemple The Upside of Down de Thomas Homer-Dixon. En fait, Homer-Dixon parle de l’écroulement de l’EROEI du travail humain comme étant à l’origine de la chute de l’Empire romain.
Le retour sur le travail humain peut trop baisser pour plusieurs raisons :
Une baisse du retour sur le travail humain est très semblable à une baisse de salaires. Ceux que ce retour qui baisse touche le plus sont situés tout en bas de la hiérarchie sociale, comme les jeunes qui sortent de l’école ou les travailleurs peu ou non diplômés. Peu importe que leur revenu chute en termes monétaires : ce qui importe, c’est que par habitant, la quantité de biens et services que ces revenus permettent d’acheter baisse. Une fois que le retour sur le travail humain commence à baisser, tout le système commence à aller à vau-l’eau :
Je dirais que la baisse du retour sur le travail humain est le principal type d’EROEI dont nous devrions nous préoccuper, car ce retour résume à lui seul tous les types de retour que peut obtenir l’économie. On pourrait le considérer comme le retour sociétal sur l’énergie investie.
Je dirais aussi que l’EROEI sociétal, défini ainsi, a déjà atteint un niveau trop bas. Pour le constater, il suffit de regarder le taux de chômage plus élevé que subissent les jeunes dans de nombreux pays. On peut aussi regarder à quel rythme augmente l’âge moyen où les familles sont fondées. On peut encore regarder la part des travailleurs peu qualifiés dont le salaire augmente moins vite que l’inflation.
Les éléments-clés qui confirment que le calcul de l’EROEI du travail humain et celui du travail animal « fonctionnent » comme prévu sont les suivants :
La seule chose qui ne « fonctionne » pas parfaitement bien dans ce modèle, c’est le fait que les actions des hommes peuvent avoir des conséquences négatives sur d’autres espèces. Mais cela ne se reflète pas directement dans l’EROEI du travail humain. Le système salarial ne le prend pas en compte, mais le système fiscal peut plus ou moins le faire. Bien sûr, si on utilise les impôts pour compenser les conséquences négatives des humains sur les écosystèmes, des taxes plus élevées auront tendance à davantage réduire le retour sur le travail humain, ce qui mènera plus rapidement à un effondrement.
Lorsque le professeur Charles Hall l’a développé, le concept d’EROEI était destiné à fournir une estimation approchée des coûts. Si une autre forme particulière d’énergie exigeait beaucoup d’énergie pour être obtenue, elle était probablement très coûteuse ; si elle en exigeait très peu, elle était probablement peu coûteuse. Quand on obtient un produit énergétique en consommant d’autres produits énergétiques, l’énergie constitue généralement un des intrants majeurs. Il semble donc raisonnable de s’attendre à ce que les calculs d’EROEI fonctionnent au moins comme un « outil grossier » de fixation de prix.
Le problème quand on utilise l’EROEI comme un outil précis, c’est le fait qu’on ne retrouve aucune des trois caractéristiques qui font que l’EROEI sur le travail humain fonctionne comme prévu pour l’EROEI des combustibles fossiles. (1) On peut élargir les délimitations de l’EROEI des combustibles fossiles en allongeant la liste des intrants énergétiques que l’on prend en compte, mais cela exclut toujours l’ensemble du système. (2) Le délai entre consommation des intrants et production pose un énorme problème, ce qui impose le besoin de capital et d’un rendement de ce capital, ce que le calcul ne prend pas en compte. (3) Le fait que l’on utilise des quantités d’énergie plutôt que des prix pour faire la somme des intrants implique que l’on ne peut jamais trouver quelque chose de comparable au coût global de la chaîne complète d’approvisionnement. De plus, de la même manière que le problème des hommes qui affectent les autres espèces n’est pas pris en compte, l’électricité intermittente affecte de manière négative le réseau électrique et le prix des autres formes d’électricité. Mais les calculs d’EROEI excluent ces effets négatifs.
Le système de l’EROEI des combustibles fossiles finit par être comparable à un système qui compare les sommets des icebergs flottant à des hauteurs assez différentes, que nous avons du mal à mesurer. De plus, notre outil de mesure se limite à un seul type d’intrant : l’énergie que l’on peut compter quelque part dans le cycle. Les effets indésirables, comme par exemple les dommages provoqués sur le réseau ou sur le système de tarification de l’électricité, ne sont pas du tout pris en compte.
Le danger de comparer les EROEI, c’est qu’on finit par « comparer des choux et des carottes ». D’une manière générale, plus les formes d’énergie sont similaires, plus les EROEI ont des chances d’être réellement comparables. Par exemple, comparer des EROEI calculés sur des données séparées d’un an ou de deux et qui concernent un seul et même champ pétrolier, ont plus de chances d’avoir un sens que comparer des EROEI de combustibles fossiles avec des EROEI d’électricité intermittente.
Jusqu’à quel point il est possible d’intégrer au réseau électrique du photovoltaïque qui serait développé à la bonne échelle n’est pas connu avec précision. Les coûts indispensables à l’intégration du photovoltaïque au réseau ne sont donc pas pris en compte dans les calculs d’EROEI. Un certain nombre d’approches permettant d’intégrer du photovoltaïque au réseau électrique existent. L’une d’entre elles consiste à utiliser une réserve de batteries à hauteur de la production totale du des systèmes photovoltaïques et éoliens. Le hic, c’est que production photovoltaïque comme production éolienne présentent des variations saisonnières en plus de variations quotidiennes. Il faudrait donc disposer d’une énorme surcapacité de stockage, et donc une énorme quantité de batteries pour que le réseau électrique puisse fournir de l’électricité à partir de sources renouvelables intermittentes tout au long des mois d’hiver sans avoir besoin de faire appel à d’autres sources de compensation de l’intermittence. Et même en n’utilisant le stockage que pour lisser les fluctuations quotidiennes, le coût de l’énergie serait encore très élevé.
Une autre approche possible serait de continuer à entretenir l’ensemble des systèmes de production consommant des combustibles fossiles ou nucléaire, même en ne les faisant fonctionner que pendant une petite partie du temps. Cela exigerait de payer à l’année du personnel dont on n’aurait besoin que pendant une partie de l’année. Les autres coûts, comme l’entretien des pipelines, devraient eux aussi continuer à pouvoir fonctionner toute l’année.
Une approche partielle, qui pourrait quelque peu réduire les besoins en énergie d’autres approches, consisterait à augmenter considérablement la quantité de lignes de transport d’électricité, et ainsi atténuer les fluctuations de disponibilité électrique. Mais aucun de ces coûts n’est inclus dans les calculs d’EROEI, malgré leur grande importance.
Le photovoltaïque (tout comme d’autres sources d’électricité intermittente, comme par exemple l’éolien) crée des dommages directs aux producteurs d’autres formes d’énergie, en réduisant artificiellement les prix de gros de l’électricité. L’électricité intermittente a tendance à faire chuter les prix de gros jusqu’à des niveaux artificiellement bas, car lorsque de l’électricité intermittente, y compris photovoltaïque, est produite, elle est injectée sur le réseau électrique, que l’on ait besoin ou non de cette électricité. Dans les faits, le photovoltaïque ajoute très peu de « capacité » réelle, si ce n’est aucune, à un système ; que les prix de l’électricité payés aux autres producteurs doivent être réduits lorsque de l’électricité photovoltaïque est ajoutée sur le réseau n’a donc aucune raison logique. Si l’on veut qu’ils puissent obtenir un retour sur investissement suffisant pour pouvoir continuer à fournir leurs services, ces autres producteurs doivent pouvoir recevoir de la totalité du coût de gros de l’électricité, sans que soit appliqué un ajustement à la baisse du fait de l’ajout d’électricité provenant de sources intermittentes.
Ces problèmes ont tendance à rendre l’indispensable production d’électricité de backup non rentable. C’est un problème en soi, en particulier pour les fournisseurs d’électricité nucléaire, qui se retrouvent à subir des pressions pour fermer leurs centrales avant la fin de vie de celles-ci, du fait des prix bas de l’électricité. On le constate aussi bien en France qu’aux États-Unis.
Certains acteurs choisissent de faire des « paiements de capacité » supplémentaires pour tenter de contourner tous ces problèmes. Ce type de paiements entraîne généralement la construction de centrales électriques brûlant du gaz naturel. Malheureusement, ils ne garantissent en rien que le gaz naturel indispensable à l’exploitation de ces centrales sera effectivement disponible au moment où il sera nécessaire. Mais construire une centrale à gaz ne coûte pas très cher. Problème (plus ou moins) résolu !
À mon avis, il faut commencer par affirmer que l’EROEI a été une méthode primitive de détermination des coûts pour divers types de combustibles, développée au début des années 1970. Malheureusement, il s’agit un outil très grossier, qui ne convient pas à l’électricité intermittente, y compris l’énergie photovoltaïque, éolienne ou des vagues. La vision qu’il présente de l’ajout de ces sources d’énergie à un réseau électrique est beaucoup plus favorable que ce qu’elle est en réalité. On considère parfois l’énergie hydroélectrique comme intermittente, mais la plupart du temps, elle est en fait « commandable » ; elle ne présente donc pas les mêmes problèmes.
D’une certaine manière, les calculs d’EROEI résultent de l’application d’un modèle très simple. Ce que l’on constate aujourd’hui, c’est que ce modèle manque de complexité pour pouvoir prendre en compte la manière dont l’électricité intermittente affecte le système dans son ensemble. Ce par quoi il faut remplacer tous ces résultats obtenus grâce aux modèles de type EROEI (y compris les calculs « d’énergie nette », les analyses en cycle de vie et les autres résultats qui en dérivent), ce sont des estimations de coûts réels faites avec un périmètre beaucoup plus large que celui habituellement utilisé dans les calculs d’EROEI.
Euan Mearns a montré qu’en Europe, les pays qui utilisaient de grandes quantités d’énergie solaire et éolienne avaient tendance à avoir des tarifs d’électricité pour les particuliers très élevés. Cette comparaison semble clairement montrer que lorsque les coûts sont facturés aux consommateurs, ils sont très élevés. (Aux États-Unis, les subventions ont tendance à être cachées dans le système fiscal, plutôt que d’apparaître sous forme de hausse des prix, ce qui explique que l’on n’y observe pas le même phénomène.)
Figure 1. Figure d’Euan Mearns montrant la relation, en Europe, entre la capacité installée de production d’électricité éolienne et photovoltaïque, et les tarifs d’électricité aux particuliers. Source Energy Matters.
Même cette comparaison laisse de côté certains coûts potentiels en jeu, car les niveaux de pénétration des sources intermittentes d’électricité n’ont pas encore atteint le seuil au-delà duquel ajouter d’énormes ensembles de batteries de secours devient nécessaire. En outre, les conséquences négatives sur la rentabilité des autres modes de production d’électricité posent un problème majeur, dont il est difficile de rendre compte dans un graphe comme celui de la figure 1.
Pour aller plus loin, il me semble qu’il faut adopter une approche complètement différente si l’on veut établir la liste des produits énergétiques que l’on devrait inclure dans notre mix électrique. Les prix faibles de l’énergie (pour le pétrole, le gaz naturel, le charbon et l’électricité) que nous avons connus ces 30 derniers mois indiquent que les consommateurs ne peuvent pas vraiment se permettre des prix de l’électricité très élevés. Les analystes doivent étudier différents scénarios pour voir quels changements on peut apporter pour tenter de conserver des coûts en-deçà du montant maximum que les consommateurs peuvent réellement payer. En fait, pour réduire les coûts, il serait probablement utile de réduire au strict minimum le développement de nouvelles installations et de conserver aussi longtemps que possible les installations de production électrique existantes opérationnelles.
La question de la baisse des prix de gros de l’électricité nucléaire, au gaz et au charbon doit être analysée avec soin car, par exemple, il sera difficile pour la France de faire sans le nucléaire. L’énergie nucléaire est généralement un fournisseur d’électricité beaucoup plus massif que l’énergie éolienne et solaire. D’une manière ou d’une autre, les fournisseurs d’électricité non intermittente doivent obtenir un retour financier suffisant pour pouvoir continuer à faire fonctionner leurs installations, tant que celles-ci n’atteignent pas leur fin de vie normale. Je ne suis pas sûre de savoir comment on peut le faire sans interdire aux fournisseurs d’électricité intermittente, y compris ceux aujourd’hui en exploitation, l’accès au réseau électrique.
Il semble que notre civilisation soit en train d’atteindre des limites. En fait, il semble probable que notre réseau électrique actuel ne durera pas de nombreuses années supplémentaires – il durera probablement moins longtemps que la durée de vie des panneaux solaires à laquelle les gens s’attendent. Il est clairement établi que dans les effondrements passés, la seule chose qui semblait atténuer partiellement la situation était une simplification radicale. Par exemple, avant de s’effondrer, la Chine transportait ses biens avec des chariots tirés par des animaux, et elle a adopté le transport par brouette après s’être effondrée vers le troisième siècle.
En s’appuyant sur cette idée, on peut déduire que la place des énergies renouvelables intermittentes est sans doute en dehors du réseau électrique. Elles opéreront probablement au sein de tous petits réseaux, probablement en alimentant des maisons ou des entreprises individuelles. Par exemple, certains propriétaires pourraient vouloir mettre en place des systèmes 12 volts en courant continu, alimentant des LED et quelques appareils spécialement conçus pour être alimentés avec une tension continue de 12 volts. Certaines entreprises pourraient aussi vouloir en faire plus. Le problème, bien sûr, consiste à entretenir ces systèmes, car les batteries perdent leur capacité de stockage en quelques années, et d’autres éléments du système devront aussi être régulièrement remplacés. Il est possible que ce type de transition puisse être mis en place sans subventions publiques énormes.
La croyance qu’il nous est possible de conserver éternellement notre réseau électrique actuel, en l’alimentant uniquement avec de l’éolien, du solaire, de l’hydroélectrique et de la biomasse, est presque certainement une chimère. Il nous faut étudier la situation avec plus de réalisme, et concevoir des programmes qui reposent sur ce qui est vraiment réalisable.
↑ [1] En définissant l’énergie nette, certains pourraient affirmer qu’il faut multiplier l’énergie investie par un facteur trois avant d’effectuer la soustraction, car la plupart des calculs ne prennent en compte qu’une partie de l’énergie investie. D’autres appliqueront une autre variante, selon laquelle le calcul doit varier selon le type de produit énergétique et selon que l’EROEI est calculé « en tête de puits » ou « au point de consommation finale ». Toutes ces variations ajoutent encore à la confusion, en rendant encore plus difficiles les comparaisons des quantités utilisées dans les calculs.