17 décembre 2014
Chers lecteurs,
Il y a deux ans, j’ai publié un billet intitulé « Le crépuscule du pétrole » qui a fait sensation dans le petit monde du pic pétrolier. Il analysait les données publiées par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dans son rapport annuel (WEO 2012) à propos des prévisions tendancielles de production pétrolière au cours des années à venir, et j’y étudiais ce que ces prévisions impliquaient, non pas en termes de volume d’hydrocarbures liquides (qu’avec quelque opportunisme, l’AIE qualifie de « tous liquides pétroliers ») produits, mais d’énergie brute et, plus important encore, d’énergie nette que ces hydrocarbures apportent. Le panorama ainsi obtenu ne pouvait guère être plus déprimant. En 2013, j’ai essayé de répéter l’exercice, mais en l’absence de graphique ou de tableau donnant la répartition des différents types de pétrole, je n’ai pu le faire, précisément parce qu’une telle analyse repose sur les différences de contenu énergétique des différents hydrocarbures liquides (et parce que l’image que donnent les scénarios de l’AIE du pétrole n’est pas réaliste, en présentant toujours leurs graphiques en additionnant des volumes et en considérant comme identiques des choses qui sont aussi différentes, dans les faits, que le sont le pétrole brut et le biodiesel de soja).
Je trouvais compréhensible de ne pas trouver, dans le WEO 2013, les données qui m’auraient été nécessaires pour refaire mon analyse, car croiser de nombreuses données était inutile pour constater que les messages du WEO 2013 étaient déjà bien assez inquiétants. Il ne restait plus que des gens comme moi viennent pour alourdir encore ce qui paraissait déjà bien assez sombre. Pour cette raison, j’ai pensé que l’AIE ne me donnerait jamais d’autre occasion de refaire les analyses que j’ai pu faire en 2012. Pourtant, le rapport de cette année a beau être implacable (le WEO 2014 suggère que le charbon et l’uranium ont eux aussi atteint un maximum de production), cette année, l’AIE me permet vraiment de refaire ce travail, grâces aux données présentées dans le tableau 3.6 (c’est l’image que vous avez vue en ouvrant ce billet), même si toutes y sont enfouies au milieu des presque 750 pages du rapport. Le tableau en question présente ce qu’il faut retenir, c’est-à-dire la répartition de la production annuelle par type d’hydrocarbure liquide. Je vais consacrer ce billet du jour à refaire la même analyse qu’en 2012, mais avec les données de 2014, et à en comparer les résultats avec ceux obtenus en 2012.
Avant de commencer, il est intéressant de noter qu’il y a quelques différences entre les données de 2012 et celles de 2014 (en dehors du fait qu’en 2014, l’AIE propose des données numériques sous forme de tableaux, qui m’a facilité le travail de construction de mes graphiques, même si ces données passent mieux inaperçues qu’un bon graphique aux yeux du lecteur lambda du WEO).
La première différence est que cette année, l’AIE ignore la catégorie plutôt fallacieuse et risible des « gains de raffinage ». Comme on l’a vu dans l’analyse de 2012, cette rubrique correspond à des augmentations de VOLUME constatées lorsque le pétrole brut est raffiné, sans que cela ne corresponde au moindre gain d’énergie contenue dans le pétrole (certes, les produits raffinés peuvent contenir plus d’énergie que le pétrole qui arrive en raffinerie, mais c’est parce qu’elle consomme aussi du gaz, indispensable au processus de raffinage ; la quantité cumulée d’énergie contenue dans le pétrole et le gaz naturel consommé est évidemment supérieure à la quantité d’énergie des produits obtenus après raffinage, puisque le processus ne peut qu’occasionner des pertes). L’artifice comptable étant plutôt comique, on voit qu’elle s’est décidée à ne plus l’utiliser.
La seconde différence est que l’AIE intègre une nouvelle catégorie de pétrole brut, qu’elle appelle « récupération assistée du pétrole obtenu ». Cela fait des décennies que l’on utilise la récupération assistée (enhanced oil recovery, EOR, qui englobe toutes les techniques utilisées pour prolonger la vie des champs déjà en exploitation). Cela paraît donc idiot de créer une nouvelle catégorie pour cela, comme si ça voulait dire que l’on peut prévoir, aujourd’hui, le déploiement de nouvelles techniques qui auront un rôle primordial à l’avenir. En fait, cette catégorie, qui correspond plus à la production des champs actuellement en exploitation que ce qui pourra être appliqué aux champs qui entreront en production pour les années qui viennent, est une manière d’introduire de manière dissimulée un élément chargé de compenser le déclin des champs aujourd’hui en exploitation (qui, comme l’a reconnu l’AIE, déclinent à un rythme de 6% par an). Étant que l’on utilise principalement l’EOR dans les champs déjà anciens, et pour pouvoir faire la comparaison avec mon analyse de 2012, j’ai accumulé toutes ces valeurs dans la colonne « Champs en cours d’exploitation ». En réalité, il faudrait appliquer une partie de l’EOR aux champs à développer et même aux champs non encore découverts ; dans tous les cas, quelle que soit la manière dont je donne toutes ces données et facteurs, je vais pouvoir refaire cette analyse en les combinant de la façon qui paraît la plus appropriée.
Comparer mes résultats de 2012 et ceux de 2014 présente un inconvénient : les graphismes ne sont pas définis pour les mêmes années. En particulier, le rapport 2014 présente un saut surprenant sur la période 1990–2013, alors que le rapport de 2012 donnait des données pour 2000, 2005 et 2011 (ce qui est beaucoup plus logique, puisque cela donne des graphiques avec des points tous les cinq ans). Ce n’est pas un problème trop grave : même si elles peuvent être plus ou moins précises, les données correspondant aux dates passées ne sont plus des projections, et donc ne sont pas hypothétiques. Donc ce que j’ai fait, c’est prendre les valeurs pour 2000, 2005 et 2011 que j’avais obtenues pour mon billet de 2012, et je les ai ajoutées à celles que j’ai déduites du tableau 3.6, issu des données du WEO 2014. Avec ces deux modifications (inclusion de l’EOR à la production des champs existants, et utilisation des données du WEO pour les années 2000, 2005 et 2011), j’obtiens le tableau suivant :
Existing | TBD | TBF | NGL | Other | LTO | |
1990 | 59,6 | 0 | 0 | 5,6 | 0,4 | 0 |
2000 | 65,9 | 0 | 0 | 7,9 | 1,1 | 0 |
2005 | 70,0 | 0 | 0 | 9,7 | 2,3 | 0 |
2011 | 68,2 | 0 | 0 | 12,0 | 3,0 | 1,2 |
2013 | 68,7 | 0 | 0 | 12,5 | 3,0 | 2,9 |
2015 | 66,2 | 3,8 | 0,1 | 13,1 | 3,8 | 3,6 |
2020 | 54,4 | 13,2 | 0,5 | 14,6 | 5,3 | 5,5 |
2025 | 45,4 | 17,4 | 5,5 | 15,4 | 6,4 | 6,2 |
2030 | 38,7 | 18,7 | 10,3 | 16,4 | 7,7 | 6,6 |
2035 | 33,9 | 19,3 | 13,8 | 17,2 | 9,2 | 6,4 |
2040 | 28,7 | 21,3 | 16,4 | 18,2 | 10,8 | 5,4 |
En fusionnant les données des deux tableaux, la raison du saut surprenant de dates que fait le tableau du WEO 2014 entre 1990 et 2013 devient assez évidente : si vous prenez en compte la production de l’année 2005, il est très clair que la production de pétrole brut est, non pas constante (comme l’AIE l’affirmait en 2010), mais en léger recul. En outre, la production fait un étrange remontée en 2015, comme on le verra de manière évident sur les graphiques à venir. Il faut noter aussi que les graphiques du WEO 2014 vont jusqu’en 2040, alors que le WEO 2012 n’allait que jusqu’en 2035.
Comme en 2012, nous allons utiliser différentes couleurs pour désigner les différentes catégories de pétrole. Dans chaque graphique, si l’on va de bas en haut, la bande noire sur la partie inférieure représente la production des champs de pétrole brut actuellement (2013) en exploitation (Existing). La bande bleu ciel représente la production des champs de pétrole découverts (TBD) mais non exploités faute de demande ou d’un coût de production trop élevé. La bande bleu foncé représente la production de pétrole brut qui devra provenir de champs aujourd’hui inconnus (TBF). Toutes les autres bandes représentent les pétroles non conventionnels, substituts imparfaits au pétrole. La bande rose représente la production de gaz naturel liquéfié (NGL) ; la bande jaune montre la production de tous les autres pétroles non conventionnels hors pétrole de réservoir compact (Other), et la bande rouge donne la production de pétrole de réservoir compact (LTO).
Voyons d’abord comment se présente le graphique du volume total des hydrocarbures liquides, à comparer au graphique équivalent issu du WEO 2012, dans lequel la fine bande verte correspond aux gains de raffinage ; rappelez-vous que les prévisions du WEO 2014 vont jusqu’en 2040, alors que le WEO 2012 s’arrêtait en 2035 (on ne peut donc faire de comparaison que jusqu’en 2035) :
Plusieurs choses attirent l’attention quand on compare ces deux graphiques. Par exemple, il est très surprenant que la somme de toutes les contributions soit presque la même qu’en 2012 et qu’elle atteigne quasiment la valeur mythique des 100 millions de barils par jour (Mb/j), c’est-à-dire la même valeur qu’en 2012, pour 2035. La proximité de ces valeurs est particulièrement frappante lorsque l’on considère que dans les valeurs de 2012, il y avait cette source d’hydrocarbures liquides fallacieuse que sont les gains de raffinage, et aussi qu’en 2014, les autres catégories d’hydrocarbures n’évoluent pas de la même manière qu’en 2012. Cela donne l’impression que l’AIE a d’abord commencé par décider ce que devrait être la production annuelle totale d’hydrocarbures liquides, et qu’ensuite, elle a regardé comment on pouvait les produire ; ce qui serait une démarche tout à fait absurde, parce que ces différents hydrocarbures ne sont pas parfaitement substituables en eux, et surtout parce que le rythme de production sera celui qui s’imposera à nous, et non celui que nous voudrons qu’il soit.
On peut observer des changements notables dans l’évolution de toutes les catégories d’hydrocarbures liquides, sauf celle des gaz naturels liquéfiés et celles des autres combustibles liquides non conventionnels. La courbe des champs pétroliers actuellement en exploitation (bande noire) cesse d’avoir la forme convexe qu’elle avait en 2012 (ce qui était physiquement absurde). Elle a désormais une forme concave beaucoup plus raisonnable. Cependant, le déclin annuel reste encore trop lent pour être raisonnable (en moyenne, 3,2 % par an, semblable au rythme de déclin de 3,3 % que l’AIE a utilisé en 2012, et encore éloigné du rythme réel de déclin observé, que l’AIE avait elle-même reconnu dans son WEO 2013, et qui était alors de 6 % par an). En raison de cette différence de concavité/convexité de la courbe, d’autres hydrocarbures liquides ont un trou beaucoup plus grand à couvrir, et l’AIE résout l’essentiel de cette quadrature du cercle grâce à une forte croissance des champs à développer, et dans une moindre mesure des champs non encore découverts et des réservoirs compacts. L’évolution de la production de pétrole de réservoir compact est elle aussi surprenante. La production devient considérablement plus élevée que ce que le rapport de 2012 ne le prévoyait, mais avec une tendance plus marquée au déclin vers la fin de la période : l’AIE reconnaît que le pic de ce type de pétrole se produira vers 2030. Afin de faciliter la comparaison numérique, j’ai calculé l’écart de taux entre les données du WEO 2012 (les données pour 2013 étant obtenues par interpolation linéaire) et celles du WEO 2014, que montre le tableau suivant (données WEO 2014 moins données WEO 2012) :
Existing | TBD | TBF | NGL | LTO | Other | Total | |
2000 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
2005 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
2011 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
2013 | 2,65 | –2,05 | 0,1 | –0,7 | 1,05 | –0,4 | 0,65 |
2015 | 2,10 | –0,30 | 0,1 | –1,3 | 1,1 | –0,4 | 1,30 |
2020 | –1,90 | 4,20 | –0,7 | –1,0 | 2,4 | –0,6 | 2,40 |
2025 | –2,60 | 4,30 | 0,7 | –0,8 | 2,1 | –0,7 | 3,00 |
2030 | 2,00 | –1,0 | 1,4 | –0,4 | 2,9 | –1,1 | 3,80 |
2035 | 8,00 | –7,0 | 0,7 | –0,7 | 2,7 | –0,9 | 2,80 |
Comme on le voit très clairement à la lecture de ce tableau, pour les gaz naturels liquéfiés (NGL) et les autres pétroles non conventionnels, les évolutions prévues en 2014 ne diffèrent pas trop de celles prévues en 2012, mais elles sont systématiquement un peu plus faibles (probablement parce que d’autres hydrocarbures liquides permettent déjà d’atteindre la valeur tant désirée d’environ 100 Mb/j). En ce qui concerne le pétrole issu de réservoirs compacts, l’AIE estime que la bulle va continuer à gonfler, malgré la baisse actuelle des prix du pétrole qui permet d’anticiper une baisse de la production de ce type de pétrole, sans compter la faillite de nombreuses petites entreprises et les fusions entre entreprises de taille moyenne du secteur ; il sera intéressant de comparer, dans un an, cette prévision avec l’évolution réelle de cette production de pétrole. Enfin, parmi les choses surprenantes, il y a l’évolution anormale de la part des champs de pétrole conventionnel à développer, pour lesquels l’AIE anticipe une forte hausse dans les années qui viennent pour ensuite s’effondrer inexplicablement vers la fin de la période ; étrangement, ce sont alors les champs de pétrole actuellement en production reprend qui doivent prendre le relais, et compenser la baisse de l’ensemble des champs à développer. Il est possible que cette évolution anormale puisse en partie être expliquée par le fait d’intégrer tout l’EOR à la catégorie des champs actuellement en exploitation, comme je l’avais fait pour mon analyse en 2012. Néanmoins, il faut noter que l’écart de prévision pour 2035 entre le WEO 2012 et le WEO 2014 est environ deux fois plus grand que la valeur estimée pour l’EOR cette année-là. Il paraît donc bien plus probable que cette évolution soit en fait le reflet d’une cuisine numérique grossière dans laquelle les chiffres ont été définis pour coller à un objectif défini a priori.
Voyons comment évolue l’énergie brute de l’ensemble des liquides pétroliers d’après le WEO 2014. Comme il y a deux ans avec le WEO 2012, j’ai supposé que le contenu moyen en énergie du pétrole non conventionnel par unité de volume était 30% plus faible que celui du brut conventionnel. J’obtiens alors le graphique suivant (à droite) :
Encore une fois, si l’AIE cherchait à honorer son nom et donnait ses graphiques en termes d’énergie produite et non de volume d’hydrocarbures, qui ne sont pas tous équivalents, loin s’en faut, on verrait que, d’après son propre scénario de référence, l’énergie brute ou totale du pétrole croît très légèrement au cours des prochaines décennies. Le scénario du WEO de cette année est légèrement meilleur que celui du WEO 2012, que j’ai reproduit ci-dessus (à gauche).
Mais, comme on l’a déjà vu en 2012, ce qui est important pour la société, ce n’est pas la quantité totale d’énergie pétrolière qui est produite, c’est combien d’énergie atteint réellement le consommateur final, ce que l’on appelle l’énergie nette, c’est-à-dire l’énergie restante après avoir soustrait les coûts en énergie de la production de ces hydrocarbures, puisque les coûts en énergie de la production pétrolière ne sont pas les mêmes selon qu’il s’agisse d’un puits en Arabie saoudite, de sables bitumineux du Canada ou d’une usine de biocarburants. Retracer tout le chemin que parcourt l’énergie depuis le puits ou l’exploitation jusqu’à la pompe à essence est compliqué, mais il est possible d’en avoir une idée en utilisant des Taux de Retour Énergétique (en anglais, EROEI pour Energy Returned Over Energy Invested) approximatifs, estimés à partir de valeurs fournies par divers auteurs. Bien que je les crois assez conservatrices, on peut discuter des valeurs d’EROEI que je vais utiliser pour les différents types d’hydrocarbures liquides. Certains pourraient préférer utiliser d’autres valeurs qu’ils considèrent comme meilleures. C’est pour cela qu’au début de ce billet, j’ai fourni un tableau de chiffres, à l’attention de tous ceux d’entre vous qui voudraient pouvoir construire leurs propres résultats à partir de leurs propres données. Les EROEI que je considère sont les suivants :
Ces valeurs sont les mêmes que celles utilisées en 2012. D’après ces valeurs, et sachant que l’énergie nette N est liée à l’énergie brute B selon la formule N = B × (1 − 1/EROEI), j’obtiens les variations de l’énergie nette à venir d’après les données du WEO 2014, que montre le graphique ci-dessous (à droite) :
Il est à noter que, d’après le scénario de référence du WEO 2014, l’énergie nette de tous les liquides pétroliers entreraient dans un lent déclin à partir de 2015. C’est exactement la même évolution qu’avec les données de WEO 2012 (graphique de gauche ci-dessus), mais avec un rythme à la baisse un peu moins prononcé qu’avec les données de 2012.
Le résultat le plus frappant de mon analyse de 2012 était celui obtenu en révisant certaines des hypothèses les plus optimistes et/ou les plus injustifiées du WEO, et en refaisant ensuite les calculs d’énergie nette. En fait, les corrections que j’ai faites sont assez conservatrices, car elles reposent sur des principes bien connus et largement admis. Ce faisant, je me suis juste contenté de retirer la première couche de maquillage des données de l’AIE. Ces corrections sont les suivantes :
Après avoir appliqué les corrections ci-dessus, le graphique montrant l’évolution de l’énergie nette d’hydrocarbures liquides devient le suivant (à droite) :
Le plus curieux dans les estimations de l’évolution de l’énergie nette de tous les liquides pétroliers à partir de ce scénario plus réaliste, c’est que cela donne un résultat encore plus sombre avec les données du WEO 2014 qu’avec les données du WEO 2012 (graphique de gauche ci-dessus) :
Le tableau suivant résume les écarts de valeurs entre les deux WEO pour l’énergie nette réaliste (données non révisées) :
Existing | TBD | TBF | NGL | LTO | Other | Total | |
2000 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
2005 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
2011 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
2013 | 7,15 | –0,82 | 0,016 | –0,131 | 0,181 | –0,180 | 6,216 |
2015 | 5,2 | –0,12 | 0,016 | –0,243 | 0,192 | –0,140 | 5,130 |
2020 | 1,7 | 1,68 | –0,116 | –0,186 | 0,420 | –0,210 | 3,288 |
2025 | –0,5 | 1,72 | 0,116 | –0,149 | 0,367 | –0,245 | 1,309 |
2030 | –1,7 | –0,40 | 0,258 | –0,074 | 0,507 | –0,385 | –1,793 |
2035 | –2,3 | –2,80 | 0,116 | –0,131 | 0,472 | –0,315 | –4,957 |
Il y a deux raisons pour lesquelles le scénario 2014 est bien pire que le scénario de 2012, bien que dans les premiers graphiques, celui de 2014 semblait légèrement plus optimiste que celui de 2012. La première raison, c’est qu’en 2012, nous avions fait l’hypothèse d’un rythme de déclin de 5 % par an pour les champs actuellement en production. Nous savons désormais que ce rythme est de 6 % par an et qu’il risque d’augmenter encore avec le temps (les grandes compagnies multinationales déclarent un taux moyen de déclin de 8 % par an pour leurs champs matures). L’autre raison est que dans le WEO 2014, l’AIE prévoit une évolution très étrange pour les champs de pétrole à développer, en supposant qu’ils vont être exploités au maximum vers la fin de la période étudiée. Une répartition de l’EROEI plus uniforme entre champs existants et champs à développer lisserait sûrement un peu ces résultats, mais l’écart est ici si important qu’il est montre à quel point le maquillage de l’AIE se craquelle.
Le rapport annuel de l’Agence internationale de l’énergie pour 2014 ne fait pas que contenir de sombres nouvelles à propos de l’avenir du charbon et de l’uranium. Ce qu’il prévoit pour la production à venir de tous les liquides pétroliers est assez sombre dès que l’on analyse le contenu en énergie qui parvient réellement à nos stations-services, à nos camions, à nos tracteurs, et à nos voitures. L’AIE joue avec les différentes catégories d’hydrocarbures liquides pour tenter d’obtenir que leur volume cumulé augmente progressivement à partir de 2010 et finisse par atteindre en 2035–2040 le seuil tant désiré de 100 Mb/j. Ce qui est choquant, c’est que chaque année, elle change le poids relatif de chaque catégorie (en 2012, cela incluait quelque chose d’aussi fallacieux que l’augmentation de volume des hydrocarbures au cours du processus de raffinage) et parce que, année après année, les chiffres s’accordent de moins en moins avec cet objectif, cela la conduit à des manipulations qui ne peuvent pas résister à la moindre analyse, en particulier sur le pétrole brut conventionnel, qui reste à la base de la production à venir. Parmi les anomalies les plus marquantes que l’on peut observer pour la production de pétrole brut conventionnel, on trouve les taux de déclin annuel des champs en exploitation, qui sont beaucoup plus faibles que ce que l’AIE reconnaît elle-même ; le fait de supposer un rythme de développement des nouveaux champs à développer incompatible avec les possibilités techniques et économiques offertes par ces champs ; et le fait de supposer que l’on va découvrir de nouveaux champs à un rythme quatre fois plus rapide que ce que l’on en a découvert au cours des 30 dernières années. Lorsque l’on corrige les anomalies les plus évidentes, le scénario que propose l’AIE montre un déclin rapide de l’énergie nette fournie par le pétrole, qui a déjà commencé en 2010 et qui ne pourra que s’aggraver dans les prochaines années.
Compte tenu de la spirale de destruction de l’offre/destruction de la demande dans laquelle nous sommes, semble-t-il, entrés (), des énormes difficultés financières des entreprises du secteur pétrolier et leurs plans bien peu dissimulés de désinvestissement pour retrouver une certaine rentabilité, l’évolution la plus probable pour les mois à venir est nettement plus sombre que ce que prévoit l’AIE. Et comme la situation actuelle est déjà bien peu rose, le plus probable est que nous soyons en train de passer le seuil d’une phase de déclin rapide, dont les conséquences économiques sont extrêmement préoccupantes. Mais cela fera l’objet d’un prochain billet.