Limites énergétiques : pourquoi les prix sont bas et les disparités de richesse augmentent

Par Gail Tverberg
6 juillet 2016

La semaine dernière, j’ai donné une présentation assez étendue au cours de la Conférence 2016 sur l’économie biophysique, intitulée Complexité : le lien fort entre EROI des combustibles fossiles, EROI de l’énergie humaine et dette (pdf). Dans cet article, je vais présenter une partie de cette présentation qui explique plusieurs problèmes-clés :

  1. Pourquoi nous sommes dès à présent en train de voir tant de problèmes vis-à-vis de la disparité des richesses et des bas prix des matières premières (Réponse : La consommation mondiale d’énergie par personne a déjà commencé à chuter, et le système énergie-économie doit refléter ce problème d’une manière ou d’un autre.)
  2. Pourquoi la quête d’une technologie croissante conduit-elle à une disparité croissante des richesses ? (Réponse : L’économie doit être rendue plus hiérarchique pour alimenter la « complexité » croissante. La complexité croissante est le précurseur de la technologie croissante.)
  3. Pourquoi la hausse de la dette fait partie intégrante du système énergie-économie (Réponse : Payer les travailleurs qui fabriquent des biens et services durables serait impossible sans avoir recours à de la dette ou à d’autres outils financiers équivalents, qui permettent de monétiser au temps présent le bénéfice futur espéré de ces biens et services.)
  4. Pourquoi les prix des matières premières peuvent soudainement être inférieurs à leur coût de production pour de nombreux produits variés ? (Réponse : Les prix des matières premières dépendent très largement des niveaux d’endettement. Un problème majeur est que, lorsque les prix des matières premières augmentent, les salaires n’augmentent pas en conséquence. Des niveaux d’endettement croissants peuvent cacher pour un temps le fait que les biens et services soient de moins en moins abordables, mais, les niveaux d’endettement finissent par ne plus pouvoir augmenter assez, et les prix des matières premières chutent à des niveaux trop bas.)
  5. Il est possible que le vote du Brexit soit lié à la baisse de la quantité d’énergie par personne au Royaume-Uni. Comme ce problème se produit dans de nombreux pays, il est possible que des organisations internationales, comme par exemple la zone euro, rencontrent des difficultés de plus en plus grandes à conserver leur unité.
  6. Ma présentation explique aussi pourquoi une économie stable n’est pas viable, à moins de pouvoir vivre comme des chimpanzés.

Mon analyse a comme prémisse la fait que l’économie se comporte comme d’autres systèmes physiques. Pour fonctionner, elle a impérativement besoin d’énergie – et même, en fait, d’une quantité croissante d’énergie. Si le système ne reçoit pas la quantité d’énergie dont il a besoin, il se « rééquilibre » d’une manière qui risque de ne pas être à notre goût. Sur ce point, le lecteur pourra lire mon article La physique de l’énergie et de l’économie.

La diapositive 2 ci-dessous donne un aperçu de mon exposé. Je laisserai de côté les parties de ma présentation sur l’EROI et le modèle de Hubbert.

Diapositive 2 Plan Aperçu de notre situation actuelle – comment la complexité s’y intègre La complexité (qui sous-tend la « technologie ») Concentration d’énergie Éléments et composés purs Démultiplication du travail humain grâce à la hiérarchie Pourquoi la dette est nécessaire Lien entre dette et prix des matières premières Ce que le modèle de Hubbert omet EROI des combustibles fossiles basé sur le modèle de Hubbert EROI du travail humain

Diapositive 2.

Un pic mondial du charbon semble se produire dès à présent

Selon la plupart des chercheurs avec lesquels j’ai discuté au cours de cette conférence, le pétrole risque d’être le premier problème auquel nous allons être confrontés, et non le charbon. Et ce problème risque d’être celui de prix trop élevés, et non celui de prix trop bas. Le pic de charbon que montre la diapositive 3 pour maintenant semble donc n’avoir aucun sens. Pourtant, mon analyse des données récentes suggère avec force qu’un pic du charbon est exactement ce qui se passe en ce moment.

Diapositive 3 Aperçu de notre situation actuelle Il semble que nous ayons atteint un pic de production du charbon Production du charbon en Chine et dans le monde D’après le BP Statistical Review of World Energy 2016

Diapositive 3. Le monde et la Chine semblent avoir atteint un pic du charbon.

Je montrerai plus loin dans cette présentation pourquoi le fait que la production de charbon atteigne un maximum maintenant a effectivement un sens – cela a à voir avec le fait que les prix de tous les combustibles fossiles semblent connaître les mêmes variations en même temps. Le rythme de hausse des niveaux d’endettement semble être un facteur majeur dans les niveaux de fixation des prix. Lorsque le niveau d’endettement ne croît pas assez vite, la « demande » n’est pas assez élevée, et les prix de tous les combustibles fossiles ont tendance à chuter tous en même temps. Une question connexe est de déterminer jusqu’à quel point l’économie mondiale peut croître : si la croissance économique mondiale est trop lente, cela aura aussi tendance à contraindre la demande, et donc les prix de l’énergie, à la baisse.

La croissance de la production de charbon en Chine a ralenti en 2012, c’est-à-dire au moment où les prix du charbon ont commencé à baisser. Ceci avant même que la Chine ait pris le leadership du charbon en mars 2013. On sait que la production de charbon chinoise devrait continuer à baisser, parce que l’agence chinoise de l’énergie a indiqué que la Chine prévoyait de fermer plus de 1000 mines de charbon en 2016 en raison d’une « situation de surproduction qui sape les prix ». Pour plus d’informations, le lecteur pourra consulter mon article Le pic de charbon est-il une partie du problème que rencontre la Chine ?

La consommation mondiale d’énergie par personne semble avoir déjà commencé à baisser

Diapositive 4 La consommation mondiale d’énergie par personne a peut-être atteint un pic en 2013 Les 2 graphes reposent sur le BP Statistical Review of World Energy 2016 et les données 2015 de population de l’ONU.

Diapositive 4. La quantité d’énergie par personne consommée par le monde a peut-être atteint un pic en 2013.

La raison pour laquelle j’affirme que la consommation mondiale d’énergie par personne a peut-être atteint un maximum en 2013, c’est en partie parce que la consommation de charbon semble elle-même avoir atteint un maximum. Et si le charbon a atteint son pic, il sera difficile de compenser celui-ci avec d’autres combustibles, comme par exemple les énergies renouvelables, ou même le gaz naturel. En outre, des chiffres récents (montrés ci-dessus) révèlent déjà, en moyenne mondiale, une légère baisse de la consommation d’énergie par personne. Si la production mondiale de charbon continue de baisser, il faut s’attendre à ce que la consommation mondiale d’énergie par personne continue de baisser.

Tendances de la consommation d’énergie pour quelques pays

À vrai dire, la figure ci-dessous ne figure pas dans la présentation que j’ai donnée – je me suis dit que j’allais l’ajouter ici, pour montrer que la consommation d’énergie varie pour l’économie de quelques pays. Le tableau du haut dans cette diapositive supplémentaire montre la tendance de la consommation d’énergie par personne au Royaume-Uni, au Japon, en Espagne et en Grèce. On sait que le Japon, l’Espagne et la Grèce ont connu des problèmes économiques pendant plusieurs années, ce qui ne devrait peut-être pas être si surprenant compte tenu de la baisse de leur consommation d’énergie par personne. Le Royaume-Uni montre un schéma similaire à ces trois pays. Il faut s’attendre à ce qu’un tel schéma conduise à une augmentation des disparités salariales, pour des raisons que nous allons détailler plus loin, lorsque nous parlerons de « complexité ».

Des informations supplémentaires montrent comment la tendance de la consommation d’énergie par personne semble refléter la santé des économies La tendance suivie par la consommation mondiale d’énergie par personne semble refléter la santé des économies

Diapositive supplémentaire. Tendances de la consommation d’énergie par personne pour quatre économies avancées et pour la Chine, d’après le BP Statistical Review of World Energy 2016 et les données démographiques de l’ONU pour 2015.

La consommation d’énergie de la Chine montre une situation contrastée. La Chine a connu une croissance rapide de sa consommation d’énergie après avoir rejoint l’Organisation mondiale du commerce en 2001. Plus récemment, la croissance de la consommation d’énergie en Chine a ralenti, ce qui suggère un ralentissement de la croissance de l’économie – potentiellement, encore plus prononcé que ce qu’en disent les rapports officiels de PIB.

Pourquoi le pic d’énergie par personne est important

Dans la diapositive 5, je donne un aperçu de l’importance du phénomène de pic d’énergie par personne. Des deux manières de voir les choses que montre cette diapositive, la mienne est la seconde, tandis que la plupart des participants à la conférence sont venus avec la première. JNotez que je n’affirme pas que tous les secteurs de l’économie rencontreront forcément des problèmes. C’est plutôt que les secteurs non favorisés seront probablement les premiers à en rencontrer.

Diapositive 5 Deux visions du pic d’énergie par personne (1) Vision pic pétrolier / EROI des combust. fossiles Un pic d’énergie n’a que peu d’importance La production d’énergie par combustible continuera La production future dépendra de la géologie ; énergie nette (2) Analyse par la complexité (à suivre) L’économie requiert une structure hiérarchique très précise Des parties favorisées de l’économie reçoivent une part disproportionnée de la consomation d’énergie L’économie a aussi besoin d’une dette qui croît Payer les intérêts exige une part de la production d’énergie Risque : des parties défavorisées ne reçoivent pas assez Travailleurs peu qualifiés, organisations internationales (zone euro…)

Diapositive 5. Deux visions du pic d’énergie par personne.

Comment l’économie est-elle affectée par la complexité croissante

Dans L’effondrement des sociétés complexes, Joseph Tainter nous montre que la manière dont les économies qui risquent d’atteindre des limites peuvent parfois résoudre leurs problèmes, c’est en augmentant leur complexité.

Diapositive 6 La complexité Joseph Tainter C’est par la complexité que les économies qui risquent d’atteindre des limites résolvent leurs problèmes Complexité : semble être ce qu’il y a derrière la « technologie » Source : https://b-i.forbesimg.com/siimonreynolds/files/2013/04/complexity1.jpg

Diapositive 6. Introduction à la complexité.

Les économistes d’aujourd’hui semblent croire que la technologie va résoudre nos problèmes. Pour ma part, la complexité et la technologie sont deux choses liées l’une à l’autre, la complexité étant un précurseur de la technologie. Les économies qui souhaitent adopter des technologie de niveau supérieur doivent, pour ce faire, prendre des mesures en faveur d’une complexité accrue.

En essayant de lister ce qui constituait la complexité, voici les éléments auxquels j’ai pensé :

Diapositive 7 Éléments fondamentaux de la complexité 1. L’énergie fonctionne mieux                      que diffuse concentrée 2. Éléments et composés purs offrent des avantages par rapport aux mélanges trouvés dans la nature 3. On peut démultiplier l’énergie humaine en donnant à certains des avantages ou des pouvoirs particuliers (formation, expertise technique, rôles administratifs) 4. La dette a des pouvoirs presque miraculeux (décalage dans le temps, paiement en retour qui peut, ou peut ne pas, avoir lieu)

Diapositive 7. Éléments fondamentaux de la complexité.

Au sujet de l’énergie concentrée, le fait d’en consommer semble être ce qui distingue les êtres humains des autres animaux.

Diapositive 8 L’énergie concentrée L’énergie du Soleil est diffuse L’essentiel de l’énergie physique humaine est semblable à celle des autres animaux Premier usage d’énergie concentrée Domestication du feu, sur plus d’un million d’années Pouvait dépendre d’une autre source d’énergie que la nourriture Utiliser le feu a conféré de nombreux avantages Cuire la nourriture fut très important Cerveaux plus gros, mâchoire et intestins plus petits Moins de temps pour mâcher, plus de temps pour les travaux Le feu effraie les prédateurs Il tient chaud, et apporte de la lumière le soir

Diapositive 8. Premiers usages d’une énergie concentrée.

Si ce que nous voulons, c’est mettre en place une économie stationnaire, « tout » ce que nous avons à faire, c’est mettre de côté notre consommation d’énergie concentrée, et vivre comme des chimpanzés. Mais dans ce cas, je ne suis pas sure que nous réussissions à nourrir suffisamment nos gros cerveaux. À ce sujet, le lecteur pourra consulter les deux diapositives suivantes : 9 et 10.

Une autre forme d’énergie concentrée que nous utilisons, ce sont les biens d’équipement. Il s’agit de tous les produits dont nous comptons qu’ils vont durer assez longtemps, comme par exemple les maisons, les véhicules ou les usines. La grande question est de savoir comment se payer des biens d’équipement.

Diapositive 11 Formes plus récentes d’énergie concentrée (1) Biens d’équipement Arcs et flèches ; outils de pierre Machines Véhicules Maisons, magasins, écoles Important Question : comment « payer pour » ces biens ? On emploie des travailleurs pour les créer C’est maintenant qu’ils doivent être payés Le bénéfice de ces biens d’équipement s’étale sur de nombreuses années à venir Comment « ramener » ce bénéfice futur jusqu’à aujourd’hui, et ainsi pouvoir payer ces travailleurs ?

Diapositive 11. Les biens d’équipement : des exemples plus récents d’énergie concentrée

Le problème vient du fait qu’il faut payer les travailleurs maintenant, alors que le bénéfice de ces biens d’équipement s’étale sur de nombreuses années à venir. Il faut, d’une manière ou d’une autre, « ramener » le bénéfice futur de ces biens d’équipement à aujourd’hui. La réponse basique à cette situation est le recours à la dette (ou à des instruments financiers assimilables à de la dette) pour financer les biens d’équipement. Nous reviendrons sur la question de la dette plus loin.

Les prochaines diapositives (12 à 14) montrent d’autres manières de concentrer l’énergie. L’une d’entre elles est de créer des entreprises. Des concentrations d’énergie encore plus grosses peuvent être obtenues en créant de plus grosses entreprises, voire des multinationales. Les États peuvent eux aussi être utilisés pour concentrer la consommation de ressources énergétiques, grâce à leur capacité à construire des routes, des écoles et de nombreuses autres infrastructures. Les organisations internationales peuvent également agir pour concentrer la richesse, en facilitant le commerce entre membres (par exemple, la zone euro, ou l’Organisation mondiale du commerce) ou en prêtant de l’argent aux pays membres (par exemple, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale). Toutes ces organisations peuvent bénéficier de l’utilisation de la dette pour financer la croissance de leur structure.

Nous avons vu que l’énergie concentrée était le premier élément de complexité (voir l’aperçu plus haut). Le second élément de complexité, ce sont les éléments purs et composés purs. À bien des égards, ce second besoin ressemble fort à l’énergie concentrée, dans la mesure dont il permet à la technologie de fonctionner.

Diapositive 15 Éléments et composés purs La technologie ne fonctionne que si on peut la répliquer de manière fiable Exige des ressources pures Problèmes connexes Épuisement Exige des mines plus profondes, de l’eau dessalée Pollution Laisse des matières indésirables là où elles ne devraient pas être Souvent très dispersées – le contraire de ce que l’on voudrait Recyclage Tend à être très gourmand en énergie Problème : dispersion des matériaux à recycler

Diapositive 15. Pourquoi des éléments et composés purs sont indispensables à la complexité.

Le troisième élément de complexité (voir l’aperçu plus haut) démultiplie l’énergie humaine grâce à une organisation hiérarchique. À bien des égards, il s’agit là de l’idée d’une énergie concentrée que l’on applique aux êtres humains.

Diapositive 16 Démultiplier l’énergie humaine grâce à une organisation hiérarchique Chasseurs-cueilleurs : étaient tous à peu près égaux Faible organisation hiérarchique Chassaient, cueillaient, brûlaient de la biomasse Partageant ce qu’ils obtenaient ou fabriquaient La sédentarisation accrut les disparités de revenu Certains étaient propriétaires de terres, d’autres pas Des métiers différents ⇒ des richesses différentes Formation : fournit un avantage à des travailleurs Représente une concentration de ressources énergétiques Livres, temps d’enseignement & d’étude disponibles car consommer de l’énergie = besoin de moins d’agriculteurs Entreprises & admin. + grosses ⇒ hiérarchie accrue

Diapositive 16. Démultiplier l’énergie humaine grâce à une organisation hiérarchique.

Historiquement, le gros problème a été celui de populations qui sont devenues trop nombreuses au regard des ressources qui leur étaient disponibles. D’une certaine manière, notre situation est devenue comparable. De manière peu surprenante, lorsque cela va se produire, ce sont les gens au bas de la hiérarchie qui auront tendance à ne pas recevoir suffisamment.

Diapositive 17 Lorsque la population dépasse les ressources, les gens en bas de la hiérarchie sont les plus vulnérables Conclusion des recherches de Turchin et Nefedov dans « Secular Cycles »

Diapositive 17. Les personnes en bas de la hiérarchie sociale sont les plus vulnérables.

Pourquoi a-t-on besoin de dette ?

Diapositive 18 Pourquoi ajouter de la dette ? Toute division du travail exige une forme au moins informelle de dette Je chasse, tu cueilles et tu prends soin des enfants Impose un partage de la production Avec le début des entreprises, le besoin de dette devint plus prégnant Impossible de payer les travailleurs en gadgets ou en trucs virtuels Tout argent est en fait la promesse de biens et services futurs Même les pièces d’or Ces biens et serv. futurs peuvent se matérialiser, ou non Je considère l’argent comme une forme de « dette »

Diapositive 18. Pourquoi ajouter de la dette ?

L’un des avantages fondamentaux de la dette est sa capacité à décaler des effets dans le temps.

Diapositive 19 Pourquoi ajouter de la dette ? (suite) En général, acheter du capital exige de la dette Problème : besoin de travail humain et de ressources pendant une certaine durée Le bénéfice vient plus tard, il est incertain Besoin d’un moyen de payer pour ce travail et ces ressources Dette : Fournit « l’argent » pour payer les travailleurs et acheter les ressources Ramène au temps présent le bénéfice espéré des biens d’équipement Travail maintenant 25 ou 50 ans de durée de vie des biens d’équipement Dette

Diapositive 19. Comment la dette a la capacité à décaler des effets dans le temps.

Bien sûr, la valeur de ces biens d’équipement est spéculative lorsque de la dette est utilisée pour déterminer leur prix à l’avance. Tant que l’économie tire un avantage suffisant des biens d’équipement et des autres usages de la dette, et cela lui permet de rembourser la dette avec intérêts, le système aura tendance à tourner comme prévu.

Diapositive 20 Pourquoi ajouter de la dette ? (suite) La dette donne au système plus de fluidité Plus facile de faire des concentrations de tous types Formation supérieure plus abordable Les consommateurs peuvent se payer logements, voitures, vacances Les entreprises peuvent en acheter d’autres Besoin d’ajout de dette: participe de l’entropie du système D’autres outils financiers fonctionnent comme de la dette Actions : similaires à de la dette, sans limitation de durée « Equity » sonne mieux que « dette » Si la société fait faillite, l’issue est comparable Les dérivés fonctionnent comme de la dette Les programmes publics de bénéfices promis aussi Les gens planifient leur vie en fonction de cela ; difficile à éliminer

Diapositive 20. Grâce à la dette, le système économique tourne de manière plus fluide.

L’un des aspects-clés de la dette est sa capacité à déterminer la demande, et donc les prix, de produits comme le pétrole ou le gaz naturel. Si la dette a ce pouvoir presque magique, c’est parce que si un acheteur potentiel bénéficie d’un prêt pour tout type de bien d’équipement – mettons une maison, une voiture ou une usine – il pourra alors acheter ce bien beaucoup plus tôt que s’il devait économiser l’argent de cet achat. Chacun de ces biens d’équipement exige des matières premières de toutes sortes, comme de l’acier, du cuivre, du pétrole, du charbon ou du gaz naturel. Il faut donc s’attendre à ce que la croissance des niveaux d’endettement augmentent en même temps les prix d’une large gamme de matières premières.

Diapositive 21 Pourquoi ajouter de la dette ? (suite) La dette affecte indirectement le prix des matières premières Plus de dette = plus de demande = prix plus élevés Important Les gouvernants peuvent se sentir en responsabilité Peuvent eux aussi émettre de la dette Peuvent influer sur les taux d’intérêt ; attente d’une dette accrue quand les taux sont plus faibles La dette peut aller jusqu’à l’absurdité Taux d’intérêt négatifs Émissions de dette pour cacher les problèmes de dette antérieure Financer des projets d’infrastructure qui n’ont quasiment aucune chance d’être amortis USA : Prêts immobiliers « subprimes » au début des années 2000 Japon : projets routiers inutiles

Diapositive 21. La dette aide à fixer les prix des matières premières.

Nous pouvons voir la situation comme suit : une économie qui croît sans cesse (en termes énergétiques) est un système en déséquilibre permanent. Les niveaux d’endettement croissants aident à maintenir cette situation de déséquilibre en renchérissant sans cesse les matières premières. Ces prix des matières premières plus élevés encouragent une plus grande extraction de produits énergétiques, même lorsque le coût d’extraction augmente du fait des rendements décroissants. Même si leurs coûts d’extraction ne cessent de croître, le renchérissement sans fin des matières premières ne peut durer éternellement. À un moment donné, les prix deviennent si élevés qu’il en deviennent inabordables pour les travailleurs. La demande a alors tendance à chuter lorsque les travailleurs situés en bas de la hiérarchie des revenus se trouvent « mis hors circuit » de l’achat de biens comme les logements ou les voitures, qui jusqu’alors permettait de soutenir la demande de matières premières.

Qu’est-ce qui provoque la fin de la hausse des niveaux d’endettement ? L’une des causes est le fait que la dette atteigne des niveaux absurdes, rendant difficile le remboursement de la dette avec intérêts. La diapositive 21 ci-dessus donne plusieurs exemples de niveaux absurdes d’endettement. Parmi les autres exemples, on peut citer l’utilisation excessive de prêts étudiants. Si, une fois leurs études terminées, les revenus des anciens étudiants ne sont pas assez élevés, leur prêt peut se révéler être un très lourd fardeau, au point de les empêcher de se loger ou d’acheter une voiture, et de fonder une famille. Le problème est que les revenus qu’ils touchent après leur formation sont insuffisants pour leur permettre à la fois de rembourser la dette avec intérêts et de disposer de fonds suffisants pour répondre à leurs autres besoins.

Des disparités salariales croissantes peuvent aussi conduire de manière directe à une baisse des prix de l’énergie :

Diapositive 22 Une disparité accrue de revenus tend à pousser les prix de l’énergie vers le bas Riches et pauvres dépensent leur argent différemment Pauvres : surtout dans des matières premières Riches : surtout dans les services, les investissements- papier, les propriétés d’autres personnes Exemples de coupes budgétaires pour les pauvres Pays développés: les jeunes vivent plus longtemps chez leurs parents Pas d’achat immobilier, de voiture Pays moins développés : les travailleurs migrants retournent dans les campagnes Si les disparités de revenus augmentent Marchés d’actions et prix des actifs vont probablement encore augmenter Achetés par les riches Les prix des matières premières, y compris de l’énergie, peuvent chuter

Diapositive 22. Une disparité accrue de revenus a tendance à pousser les prix de l’énergie vers le bas.

Des disparités salariales croissantes et une croissance insuffisante de la dette sont toutes deux des signes d’une économie qui ne croît pas assez vite – on pourrait dire, d’une certaine manière, qu’elle ne « chauffe » pas assez. Certains travailleurs potentiels ont tendance à sortir du système, parce que les salaires qu’on leur propose ne couvrent leurs frais de déplacement et de garde d’enfants. D’une certaine manière, ils « se figent », par analogie avec l’eau qui se transforme en glace quand il n’y a pas assez de chaleur dans le système pour conserver l’eau liquide.

La situation des prix des combustibles fossiles est similaire : les prix bas sont le signe que l’économie ne croît pas assez vite. Le système se retrouve obligé de réduire sa production de nombreux types de matières premières, y compris de combustibles fossiles, en réduisant leurs prix en dessous du coût de production qu’ont un certain nombre de producteurs de matières premières. Une manière de voir cette situation, c’est de considérer qu’une partie de la production « se fige », car les produits énergétiques consommés ne permettent pas à l’économie mondiale de croître assez vite pour maintenir un niveau de demande suffisamment « chaud ».

Réflexions supplémentaires sur les prix de l’énergie et les niveaux d’endettement

Diapositive 24 La dette permet de « valoriser » les matières premières de deux manières différentes Première manière de valoriser, basée sur la dette Montant que cela coûte de créer la matière première La plupart des éléments en jeu reposent sur la dette Les prêteurs peuvent supposer que le pétrole coûtera $100 le baril Leurs prêts servent à payer des salaires Seconde manière de valoriser, basée sur la dette Montant que les gens peuvent se permettre de payer Cela dépend d’une combinaison de salaires et de dettes Tant que les salaires augmentent comme les matières premières, l’abordabilité n’est en général pas un problème Gros problème si les salaires en bas de l’échelle cessent d’augmenter Requiert une dette croissante pour cacher le problème salarial

Diapositive 24. Utiliser la dette permet deux valorisations différentes de la valeur des matières premières.

Ce qui crée la confusion, c’est que durant de nombreuses années, les coûts de l’énergie et des matières premières étaient très semblables à leurs prix de l’énergie et des matières premières. Ce n’est que très récemment – lorsque les prix ont atteint des niveaux trop élevés pour que les consommateurs puissent se permettre de les acheter – qu’une différence entre les deux est apparue.

Diapositive 25 Que le          puisse différer du prix coût de production est apparu très récemment Le décalage est un signe que le coût de production de l’énergie est plus élevé que ce que les consom- mateurs peuvent se permettre de payer Impossible de le cacher plus longtemps en augmentant la dette Coûts de l’énergie et des matières premières Prix de l’énergie et des matières premières

Diapositive 25. La possibilité que le prix diffère du coût de production n’est apparue que très récemment.

Si l’on regarde les données historiques de la diapositive 26, on peut voir deux fortes baisses récentes des prix du pétrole. Ces deux baisses se sont produites à un moment où les niveaux d’endettement avaient cessé d’augmenter.

Diapositive 26 Les déclins de prix en 2008 et en 2014–2016 montrent le lien avec la dette

Diapositive 26. Deux baisses bien nettes mettent en évidence le lien qui existe entre dette et prix du pétrole.

En fait, les prix du pétrole, du charbon et du gaz naturel ont tendance à augmenter et baisser tous en même temps – exactement comme on pourrait s’y attendre, à partir du moment où l’on accepte qu’ils répondent tous aux mêmes changements dans les niveaux d’endettement, et de manière indirecte, aux mêmes changements de croissance économique mondiale.

Diapositive 27 Les prix du pétrole, du gaz et du charbon ont tendance à baisser et augmenter en même temps

Diapositive 27. Les prix du pétrole, du charbon et du gaz naturel ont tendance à baisser et augmenter tous en même temps.

Si les prix de l’énergie reposent sur les niveaux d’endettement, ce qui devrait nous inquiéter est le fait que les combustibles fossiles vont tous atteindre leur pic à quelques années d’écart les uns des autres. Ce qui provoquera ces pics sera la baisse de leurs prix des combustibles fossiles, et non la « pénurie » de produits énergétiques.

Diapositive 28 Inquiétudes à avoir si les prix de l’énergie reposent sur les niveaux d’endettement (1) Les prix des comb. fossiles resteront assez bas En théorie, les dirigeants du monde pourraient provoquer la hausse des niveaux d’endettement Pour l’instant, nos dirigeants ont échoué C’est en partie lié aux valeurs relatives des devises Taux d’intérêt négatifs : tentative la plus récente pour résoudre le problème (2) Tous les combustibles fossiles vont atteindre leur pic en même temps Le pic sera dû à des prix bas Cela ne suivra pas la courbe de Hubbert

Diapositive 28. Inquiétudes à avoir si les prix de l’énergie reposent sur les niveaux d’endettement.

En fait, les problèmes auxquels l’économie sera confronté pourraient bien être tout à fait différents de celui d’une « pénurie ».

Diapositive 31 Causes candidates d’effondrement du système si le problème est la complexité et l’entropie Trop de dette non remboursable Trop de chômeurs ou de travailleurs mal payés Ils ne peuvent pas s’acheter la production du système Trop de pollution Les organisations gouvernementales commencent à se diviser Le Royaume-Uni prend le chemin de quitter l’UE Les exportateurs d’énergie s’effondrent par manque de revenus

Diapositive 31. Véritables causes candidates de l’effondrement du système.

Informations complémentaires sur les disparités des revenus

Les diapositives 38 à 40 de ma présentation donnent quelques informations complémentaires sur les disparités des revenus. À ce propos, le lecteur pourra consulter la fin de ma présentation.

Conclusion

L’un des sujets que je n’ai pas développé dans cette présentation est la possibilité d’un ralentissement de la croissance économique mondiale. Si l’on constate une baisse de la consommation mondiale d’énergie par personne, il ne faut pas guère être surpris de voir que la croissance du PIB mondial par personne baisse elle aussi. J’ai parlé dans plusieurs articles précédents du lien entre consommation d’énergie et croissance du PIB, en particulier dans Les limites de l’approvisionnement en pétrole et la crise financière sans fin.

Ce n’est qu’au moment de rédiger cette présentation que j’ai compris à quel point la récente baisse des prix mondiaux du pétrole était proche dans le temps de la baisse de la consommation mondiale d’énergie par personne que montre la diapositive 4. La consommation mondiale d’énergie par personne atteint un pic en 2013, avant de légèrement diminuer en 2014, et de connaître un changement encore plus important en 2015. Le milieu de l’année 2014 est le moment où les prix du pétrole ont commencé leur chute majeure, ce qui signifie que les deux événements se sont produits quasiment en même temps. La baisse de la consommation de charbon a donc pu entraîner une faiblesse de la croissance économique mondiale, qui à sont tour a poussé les prix du pétrole et du gaz naturel à la baisse.

La coïncidence temporelle entre ces deux événements n’est peut-être que le signe du fait que les forces à l’origine de la baisse des prix des matières premières sont les mêmes que celles qui provoquent une faible croissance économique. Les disparités salariales croissantes et la faiblesse de la croissance de la dette semblent être des facteurs causaux de ces deux événements. Si les travailleurs situés en bas de la hiérarchie salariale trouvaient abordables la production de l’économie mondiale, avec ou sans dette supplémentaire, l’économie mondiale aurait de meilleures chances de croissance.

Je ne vois guère d’espoir dans les possibilités de corriger un monde dont l’économie se dirige dans la direction d’un rétrécissement. La situation risque plutôt d’empirer, jusqu’au moment où le système financier s’effondrera, ou lorsque l’un des problèmes listés dans la diapositive 31 commencera à devenir un problème trop gros pour être surmontable.

Je considère la grande poussée en faveur des énergies renouvelables comme étant pour l’essentiel une perte de temps et de ressources, à l’exception notable, peut-être, de l’hydroélectricité, dans certaines régions du monde où se trouvent de bons sites pour de nouvelles installations. Les analyses par EROI sont souvent utilisées pour justifier les énergies renouvelables, mais à mon avis (comme je le montre dans la partie de cette présentation que je n’ai pas développée ici), l’EROI est un outil trop « grossier » pour estimer correctement des ressources qui diffèrent à ce point dans leur qualité de production et leur besoin d’endettement. L’un des critères majeurs devrait être de maintenir un réseau électrique en état de fonctionnement : ceux qui évaluent les énergies renouvelables intermittentes devraient tenir compte des expériences en situation réelle qu’ont faites d’autres pays. Par exemple, les approches actuelles en matière de prix semblent exacerber le problème de la chute des prix de l’électricité de gros, et donc celui de la chute des prix des combustibles fossiles. (Voir cet article-ci ou cet article-là.)

Un obstacle majeur à une débat rationnel sur ces sujets est l’incapacité d’une large part de la population à accepter ce qui semble être un résultat potentiellement désastreux. Les éditeurs de livres et de revues en ont conscience et adaptent leur ligne éditoriale en conséquence. Je l’ai à nouveau constaté lorsqu’on m’a (à nouveau) demandé si je pouvais envisager d’écrire un livre pour un éditeur universitaire particulier. Tout ce que je devais faire pour que ce livre soit acceptable, c’est trouver un moyen d’esquiver toute issue désagréable – ou, mieux encore, de trouver une fin heureuse.