Notre but, pour le moment, c’est d’équilibrer notre consommation par une production d’énergie durable. Au cours des trois derniers chapitres, nous sommes arrivés à la conclusion que toute l’énergie que pourrait apporter le potentiel éolien terrestre au Royaume-Uni ne suffisait pas pour faire rouler nos voitures et voler nos avions. L’énergie solaire permettra-telle à la pile « production » de reprendre la tête ?
La densité du rayonnement solaire brut reçu à midi un jour sans nuages est de 1 000 W par mètre carré. Il s’agit de 1 000 W par m2 de surface orientée vers le soleil, et non pas par m2 de territoire. Pour obtenir la puissance par m2 de territoire en Grande-Bretagne, il faut faire quelques corrections à cette mesure. Il faut compenser l’inclinaison des rayons du soleil par rapport à la verticale,1 ce qui réduit l’intensité du soleil à midi à environ 60 % de sa valeur à l’équateur (figure 6.1). Nous perdons de l’intensité car il n’est pas midi tout le temps. Durant un jour sans nuages en mars ou septembre, le ratio entre intensité moyenne et intensité à midi est d’environ 32 %. Enfin, on perd de la puissance à cause de la couverture nuageuse. Typiquement, au Royaume-Uni, le soleil brille seulement 34 % de la journée.2
L’effet combiné de ces trois facteurs et, pour compliquer le tout, de l’alternance des saisons, fait qu’en Grande-Bretagne, la puissance brute moyenne de rayonnement solaire par mètre carré a une puissance d’environ 110 W/m2 sur un toit orienté au sud, et d’environ 100 W/m2 sur un sol horizontal.3
On peut transformer cette puissance brute en puissance utile de quatre manières :
(Dans un chapitre ultérieur, nous verrons quelques autres techniques utilisables pour transformer l’énergie solaire dans les déserts.)
Faisons quelques estimations rapides des puissances maximales théoriques que chacune de ces manières pourrait fournir. Nous allons négliger leurs coûts économiques, et les coûts énergétiques pour construire et maintenir ces installations.
La technologie solaire la plus simple qui soit est un panneau qui produit de l’eau chaude. Imaginons de couvrir tous les toits orientés vers le sud par des panneaux solaires thermiques — ce qui ferait environ 10 m2 de panneaux par personne 4 — avec un rendement de 50 %, pour transformer les 110 W/m2 de lumière solaire en eau chaude (figure 6.3). Si l’on fait la multiplication :
50 % × 10 m2 × 110 W/m2
on trouve que le chauffage solaire pourrait fournir :
13 kWh par jour et par personne.
Dans la figure 6.4, j’ai coloré en blanc ce rectangle de production pour indiquer qu’il décrit la production d’énergie de faible qualité — l’eau chaude n’est pas aussi précieuse que l’énergie électrique, produite par exemple par les éoliennes. On ne peut pas envoyer la chaleur dans le réseau électrique. Si l’on n’a pas besoin de la chaleur quand elle est disponible, alors elle est perdue. Il faut aussi garder à l’esprit que l’essentiel de cette chaleur capturée ne l’est pas au bon endroit : dans les villes, là où les gens vivent, l’habitat résidentiel possède moins de surface de toit que la moyenne nationale. De plus, cette puissance est fournie de façon non uniforme au cours de l’année : plus en été et moins en hiver.
Des panneaux photovoltaïques (PV) convertissent la lumière solaire en électricité. Ces panneaux ont typiquement un rendement d’environ 10 %; les plus chers atteignent 20 %.5 (Il y a des lois physiques fondamentales qui limitent le rendement des systèmes photovoltaïques à au mieux 60 % avec des miroirs ou des lentilles de concentration qui soient parfaits, et à 45 % sans concentration. Un dispositif produit en masse qui aurait un rendement supérieur à 30 % constituerait déjà une performance remarquable.6)
La puissance moyenne fournie en Grande-Bretagne par des panneaux photovoltaïques avec un rendement de 20 % et orientés au sud serait de :7
20 % × 110 W/m2 = 22 W/m2.
La figure 6.5 nous montre des données qui confirment ce chiffre. Si l’on donnait à tout le monde 10 m2 de panneaux solaires chers (avec un rendement de 20 %) et que l’on en recouvrait tous les toits orientés au sud, ces panneaux fourniraient :
5 kWh par jour et par personne.
Puisque la surface totale des toits orientés au sud est de 10 m2 par personne, il n’y a certainement pas assez de place sur nos toits pour mettre ces panneaux photovoltaïques en plus des panneaux thermiques de la section précédente. Nous devons donc choisir entre les deux : contribution photovoltaïque ou en eau chaude. Mais je vais quand même les mettre tous les deux sur notre pile de production durable. Soit dit en passant, aujourd’hui, le coût d’installation de ces panneaux photovoltaïques est d’environ quatre fois celui des panneaux solaires thermiques, alors même qu’ils fournissent deux fois moins d’énergie, fût-elle de haute qualité (électricité). Si je devais donner un conseil à quelqu’un qui souhaite investir dans le solaire, je lui conseillerais donc d’étudier en premier l’option thermique. La solution la plus astucieuse, au moins dans les pays jouissant de beaucoup de soleil, ce sont les systèmes combinés capables de fournir à la fois de l’électricité et de l’eau chaude à partir d’une seule installation. C’est l’approche dont la société Heliodynamics a été à l’avant-garde : elle a réussi à réduire le coût global de ses systèmes en plaçant toute une série de miroirs plats se déplaçant lentement autour de petites unités photovoltaïques en arséniure de gallium de haute qualité ; ces miroirs concentrent la lumière sur les unités photovoltaïques, qui fournissent à la fois de l’électricité et de l’eau chaude ; l’eau chaude est produite en pompant de l’eau derrière les unités photovoltaïques.9
Voici la conclusion que nous pouvons tirer pour l’instant : recouvrir de panneaux photovoltaïques la partie orientée au sud du toit de votre maison pourrait fournir juste assez de jus pour couvrir une bonne partie de votre consommation d’électricité personnelle moyenne, mais tous les toits du pays ne suffisent pas à faire une brèche sérieuse dans notre consommation totale d’énergie. Pour obtenir plus du photovoltaïque, il faut redescendre jusqu’à la terre ferme. Les guerriers du solaire de la figure 6.6 nous montrent la direction à suivre.
Si l’on faisait une découverte capitale dans la technologie du solaire au point de suffisamment faire baisser le coût du photovoltaïque et de permettre de couvrir les campagnes de panneaux solaires, quelle serait la production maximum théoriquement atteignable ? Eh bien, si l’on couvrait 5 % du territoire du Royaume-Uni avec des panneaux qui ont un rendement de 10 %, on pourrait obtenir :
Soit dit en passant, j’ai fait l’hypothèse que les panneaux n’avaient qu’un rendement de 10 %, parce que je n’imagine pas que des panneaux solaires puissent être produits en masse à une telle échelle à moins d’être très peu chers à produire à l’unité, et seuls les panneaux qui ont le plus faible rendement seront bon marché au début. La densité de puissance (c’est-à-dire la puissance par unité de surface) d’une telle ferme photovoltaïque serait alors de :
Il s’agit d’une densité de puissance deux fois plus grande que celle de la centrale du Solarpark en Bavière (figure 6.7).
Est-ce qu’une telle marée de panneaux solaires pourrait coexister avec l’armée de moulins à vent que nous avons imaginée au chapitre 4 ? Oui, sans aucun problème : les éoliennes ne font que très peu d’ombre, et des panneaux solaires au niveau du sol ont un effet négligeable sur le vent. Audacieux, ce plan l’est sans doute, mais jusqu’à quel point ? Pour produire ces 50 kWh par jour et par personne au Royaume-Uni, la capacité de production d’énergie solaire qu’il faudrait est plus que 100 fois ce que le monde entier produit aujourd’hui à partir du photovoltaïque.11 Du coup, est-ce que je peux vraiment inclure ma ferme solaire dans ma pile de production durable ? J’hésite un peu. Au début de ce livre, je disais vouloir explorer ce que les lois de la physique disent au sujet des limites à l’énergie durable, en supposant que l’argent n’est pas un problème. Avec une hypothèse pareille, je devrais le faire, sans aucun doute : industrialiser la campagne, et placer les fermes photovoltaïques sur ma pile de production. Mais en même temps, je cherche aussi à vous aider à comprendre ce qu’il va falloir faire entre maintenant et 2050. Et maintenant, l’électricité produite par des fermes photovoltaïques serait quatre fois plus chère que le prix du marché. Inclure cette estimation dans la pile de production durable de la figure 6.9 me semble donc un peu irresponsable — il y a tellement de raisons pour lesquelles recouvrir 5 % du Royaume-Uni par des panneaux solaires semble largement au-delà de toute crédibilité.12 Si l’on envisageait sérieusement de se lancer dans un tel projet, il serait sans doute préférable de mettre les panneaux dans un pays deux fois plus ensoleillé et de rapatrier une partie de l’énergie obtenue par des lignes électriques. Nous reviendrons sur cette idée dans le chapitre 25.
C’est faux. Le ratio énergétique (pour un système donné, le rapport entre la quantité d’énergie qu’il fournit sur l’ensemble de sa durée de vie, et la quantité d’énergie consommée pour le fabriquer) d’un système solaire installé sur un toit et raccordé au réseau dans le centre de l’Europe du Nord est de 4, pour un système d’une durée de vie de 20 ans (Richards et Watt, 2007) ; il est supérieur à 7 dans un lieu plus ensoleillé comme l’Australie. (Sur le plan énergétique, un ratio énergétique supérieur à 1 est ce que l’on appelle une bonne chose). A titre de comparaison, les éoliennes d’une durée de vie de 20 ans ont un ratio énergétique de 80.
Je ne doute pas que les panneaux photovoltaïques deviennent toujours moins chers ; je ne doute pas non plus qu’il faudra toujours de moins en moins d’énergie pour les fabriquer. Leur ratio énergétique ira donc croissant. Mais les estimations dans ce chapitre ne se fixaient pas de limite sur le coût économique des panneaux ou le coût énergétique de leur fabrication. Ce chapitre se focalisait sur la puissance maximale théorique qu’ils peuvent fournir. Avec un rendement de 20 %, les panneaux photovoltaïques sont déjà proches de leur limite théorique (voir les notes en fin de ce chapitre). Je serais extrêmement surpris si les estimations de ce chapitre concernant les cellules photovoltaïques en toiture devaient être révisées un jour.
D’un seul coup, vous voyez, on pourrait se retrouver dans le business de l’énergie simplement parce qu’on fait pousser de l’herbe dans son ranch ! Et qu’on peut la couper et la convertir en énergie. C’est ce qui est sur le point d’arriver. George W. Bush, février 2006
Dans toutes les solutions bioénergétiques disponibles, on commence par faire pousser de la verdure, pour en faire ensuite quelque chose. Combien d’énergie pourrait-on collecter grâce à elle ? En fait, il y a quatre grandes manières de tirer de l’énergie de systèmes biologiques alimentés par l’énergie solaire :
Pour l’ensemble de ces processus, la première escale de l’énergie est au sein d’une molécule chimique dans une plante verte, typiquement un glucide. On peut donc estimer la puissance pouvant être obtenue par tous ces processus en estimant le flux énergétique qui transite par cette première étape. Toutes les étapes ultérieures impliquant tracteurs, animaux, usines chimiques, décharges ou centrales électriques ne peuvent que perdre de l’énergie. Par conséquent, la puissance à la première escale constitue une limite supérieure à la puissance que peuvent fournir toutes les solutions énergétiques basées sur les plantes.
Essayons donc tout simplement d’estimer la puissance au début de la chaîne. (Dans le chapitre D, nous entrerons plus dans les détails dans l’estimation de la contribution maximale de chaque processus.) La puissance moyenne exploitable de la lumière du soleil en Grande-Bretagne est de 100 W/m2. Les plantes les plus efficaces en Europe ont un rendement d’environ 2 % pour transformer l’énergie solaire en glucides, ce qui pourrait suggérer que les plantes peuvent fournir 2 W/m2 ; toutefois, leur rendement baisse fortement avec des luminosités plus élevées, et dans les faits, la meilleure performance que l’on puisse obtenir en Europe avec des cultures énergétiques est plus proche de 0,5 W/m2.15 Si l’on couvre 75 % du pays avec de la verdure de qualité, cela représente 3 000 m2 par personne consacrés à la bio-énergie. C’est la surface actuellement consacrée à l’agriculture en Grande-Bretagne. La puissance maximale atteignable, en ignorant tous les coûts supplémentaires, pour faire pousser, récolter et traiter la verdure, est donc de :
0,5 W/m2 × 3000 m2 par personne = 36 kWh/j par personne.
Houlà ! Ça ne fait pas des masses, compte tenu des hypothèses outrageusement généreuses que nous venons de faire pour essayer d’obtenir un grand chiffre. Si en plus, vous voulez produire des agrocarburants pour les voitures ou les avions, toutes les autres étapes de la chaîne de production, de la ferme au piston, seront inévitablement peu efficaces. A mon avis, espérer que les pertes tout au long de la chaîne soient inférieures à 33 % serait plutôt optimiste. Même le fait de brûler du bois sec dans une bonne chaudière fait perdre 20 % de la chaleur, qui partent dans la cheminée.17 Donc à coup sûr, le véritable potentiel de puissance de la biomasse et des agrocarburants n’excédera pas 24 kWh/j par personne. Et n’oubliez pas qu’il nous faut quand même un peu de verdure pour produire des aliments pour nous nourrir et nourrir nos animaux.
Le génie génétique pourrait-il créer des plantes capables de convertir de manière plus efficace l’énergie solaire en substances chimiques ? En théorie, ça devrait être possible, mais je n’ai trouvé aucune publication scientifique qui prédise que les plantes en Europe pourraient atteindre une production énergétique nette dépassant 1 W/m2.
Je vais ajouter 24 kWh/j par personne sur notre pile verte, en insistant sur le fait qu’à mon sens, ce chiffre est surévalué — la véritable puissance maximale que l’on puisse espérer tirer de la biomasse sera moindre en raison des pertes dans les processus agricoles et agroalimentaires qui s’ensuivent.
Il me semble que la conclusion est claire : avec les biocarburants, le compte n’est pas bon – du moins, pas dans des pays comme la Grande-Bretagne, et pas pour remplacer tous les carburants destinés au transport. Même en laissant de côté les principaux défauts des biocarburants — le fait que leur production entre en concurrence avec la production de nourriture, et que les intrants supplémentaires qu’il faut utiliser pour les produire, puis les transformer, annulent souvent l’essentiel de l’énergie qu’ils fournissent (figure 6.14) — les agrocarburants, dans un pays européen comme la Grande-Bretagne, sont capables de fournir tellement peu de puissance qu’à mon avis, ce n’est même pas la peine d’en parler.
↑ 1 … compenser l’inclinaison des rayons du soleil par rapport à la verticale. La latitude de Cambridge est de θ = 52° ; l’intensité du rayonnement solaire à midi est à multiplier par cos θ ≈ 0,6. Le facteur exact dépend de la période de l’année, et varie entre cos(θ + 23°) = 0,26 et cos(θ − 23°) = 0,87.
↑ 2
Typiquement, au Royaume-Uni, le soleil brille seulement un tiers de la journée.
Les
Highlands reçoivent 1 100 heures de soleil par an — un ensoleillement de 25 %.
Les meilleurs sites en Écosse reçoivent 1 400 heures par an — soit 32 %. Cambridge :
1 500 ± 130 heures par an — 34 %. Côte sud de l’Angleterre (la partie la
plus ensoleillée du Royaume-Uni) : 1 700 heures par an — 39 %. [2rqloc]
Les données de Cambridge proviennent de [2szckw].
Voir également la figure 6.16.
↑ 3
En Grande-Bretagne, la puissance brute moyenne de rayonnement solaire par mètre
carré est d’environ 110 W/m2 sur un toit orienté au sud, et d’environ 100 W/m2
sur un sol horizontal..
Source : NASA « Surface meteorology and Solar Energy »
(en anglais) [5hrxls].
Surpris qu’il y ait si peu de différence entre un toit penché
orienté au sud et un toit horizontal ? Je l’ai été aussi. En fait, la différence
n’est que de 10 % [6z9epq].
↑ 4 … cela ferait environ 10 m2 de panneaux par personne. J’ai estimé la surface de toits orientés au sud par personne en prenant la surface de territoire par personne qui est couverte par des bâtiments (48 m2 en Angleterre — tableau I.6), en la multipliant par ¼ pour obtenir la fraction orientée au sud, et en la faisant grimper de 40 % pour tenir compte de l’orientation du toit qui en augmente la surface. Cela donne 16 m2 par personne. Habituellement, les panneaux sont livrés sous forme de rectangles peu pratiques qui laissent une partie du toit découverte ; d’où les 10 m2 de panneaux.
↑ 5 Ces panneaux ont typiquement un rendement d’environ 10 % ; les plus chers atteignent 20 %. Voir la figure 6.18. Sources : Turkenburg (2000), Sunpower www.sunpowercorp.com, Sanyo www.sanyo-solar.eu, Suntech.
↑ 6 Un dispositif produit en masse qui aurait un rendement supérieur à 30 % constituerait déjà une performance remarquable. Il s’agit d’une citation tirée de Hopfield et Gollub (1978), au sujet des panneaux sans miroir ni lentille de concentration. La limite théorique pour un panneau photovoltaïque standard « à simple jonction » sans concentrateur, appelée limite de Shockley–Queisser, dit qu’au plus 31 % de l’énergie lumineuse peut être convertie en électricité (Shockley et Queisser, 1961). (La principale raison justifiant cette limite est qu’un matériau solaire standard possède une propriété baptisée le « gap », qui définit le niveau d’énergie d’un photon que ce matériau convertit avec la plus grande efficacité. La lumière solaire est constituée de photons avec des énergies très différentes ; les photons avec une énergie plus faible que celle du gap ne sont pas exploités ; les photons avec une énergie plus grande que celle du gap peuvent être capturés, mais toute la quantité d’énergie supplémentaire qu’ils transportent est perdue.) Des concentrateurs (lentilles ou miroirs) peuvent à la fois réduire le coût (par watt) des systèmes photovoltaïques, et augmenter leur rendement. La limite de Shockley–Queisser de rendement des panneaux solaires avec concentrateurs est de 41 %. La seule manière de dépasser la limite de Shockley–Queisser est de fabriquer des dispositifs photovoltaïques compliqués qui séparent la lumière selon ses différentes longueurs d’onde, traitant chaque intervalle de longueurs d’onde avec son propre gap. C’est ce que l’on appelle les cellules multi-jonctions. Des rendements autour de 40 % ont récemment été annoncés pour de tels systèmes équipés de concentrateurs optiques. [2tl7t6], www.spectrolab.com En juillet 2007, l’université du Delaware a annoncé avoir atteint un rendement de 42,8 % avec une concentration d’un facteur 20 [6hobq2], [2lsx6t]. En août 2008, le NREL a annoncé un rendement de 40,8 % avec une concentration d’un facteur 326 [62ccou]. Curieusement, ces deux résultats furent qualifiés de records mondiaux de rendement. Mais aujourd’hui, concrètement, quels sont les dispositifs multi-jonctions disponibles sur le marché ? Uni-solar vend un panneau de 58 W (en crête) en couches minces et à triple jonction, d’une surface de 1 m2. Ce qui signifie un rendement, en plein soleil, de seulement 5,8 %.
↑ 7
La puissance moyenne fournie par des panneaux photovoltaïques…
Il existe une idée reçue bien vivace selon laquelle les panneaux solaires produiraient
presque autant de puissance sous les nuages que sous le soleil.
C’est tout simplement faux. Durant une journée nuageuse bien que lumineuse,
les panneaux ou les centrales photovoltaïques continuent de convertir de
l’énergie, mais beaucoup moins : la production photovoltaïque est
divisée par environ dix quand le soleil passe derrière des nuages (parce
que l’intensité lumineuse en provenance du soleil est elle-même divisée par
dix). Comme le montre la figure 6.15, la puissance fournie par les panneaux
photovoltaïques est presque exactement proportionnelle à l’intensité de la
lumière du soleil — du moins, lorsque les panneaux sont à 25°C. Pour
rendre les choses un peu plus compliquées, la puissance fournie dépend
aussi de la température — des panneaux plus chauds voient leur production
de puissance baisser (typiquement de 0,38 % par °C) — mais si vous vérifiez
les données obtenues à partir de véritables panneaux, par exemple sur
www.solarwarrior.com,
vous aurez la confirmation de la principale constatation :
la production d’un panneau est beaucoup plus faible sous les nuages
que sous le soleil direct. Cette question est embrouillée par certains promoteurs
du photovoltaïque qui essaient de débattre de la manière dont le
« rendement » varie avec l’ensoleillement. « Les panneaux sont plus efficaces sous
les nuages », disent-ils ; c’est peut-être vrai, mais il ne faut pas confondre
rendement de conversion d’énergie d’une part, et puissance effectivement
fournie d’autre part.
↑ 8 Figure 6.5 : données sur le photovoltaïque. Données et photographie aimablement fournies par Jonathan Kimmitt.
↑ 9
Heliodynamics – www.hdsolar.com. Voir figure 6.19.
Un système semblable est fabriqué par Arontis www.arontis.se.
↑ 10
Le Solarpark à Mühlhausen, en Bavière.
On s’attend à ce qu’en moyenne, cette
ferme de 25 hectares fournisse 0,7 MW (soit 17 000 kWh par jour).
La station de métro Stillwell Avenue, à New York, a intégré des panneaux
photovoltaïques en silicone amorphe en couches minces dans sa verrière, qui
fournissent 4 W/m2 (Fies et al., 2007).
La centrale solaire de Nellis, dans l’Etat du Nevada, dont la construction
s’est achevée en décembre 2007, couvre environ 57 hectares, et on s’attend à
ce qu’elle génère 30 GWh par an, soit
6 W/m2
[5hzs5y].
La centrale solaire de Serpa, au Portugal, qualifiée de « centrale solaire la
plus puissante au monde »
[39z5m5] [2uk8q8],
dispose de panneaux qui
suivent la course du Soleil dans le ciel et qui occupent 60 hectares, soit
600 000 m2 ou 0,6 km2 (environ 84 terrains de football). On s’attend à ce
qu’elle produise 20 GWh par an, soit 2,3 MW en moyenne. Ce qui fait une
puissance par unité de surface de
3,8 W/m2.
↑ 11 Pour produire les 50 kWh/j par Britannique, la capacité de production d’énergie à partir du soleil qu’il faudrait est plus de 100 fois ce que le monde entier produit aujourd’hui à partir du photovoltaïque. Pour produire 50 kWh/j par personne en Grande-Bretagne, il faudrait produire une puissance moyenne de 125 GW, ce qui requiert 1 250 GW de capacité de production. Fin 2007, l’intégralité du parc photovoltaïque installé dans le monde atteignait une puissance-crête de 10 GW, augmentant en gros à un rythme de 2 GW par an.
↑ 12
… recouvrir 5 % du Royaume-Uni par des panneaux solaires semble largement au-delà
de toute crédibilité.
La principale raison qui me pousse à penser que couvrir
ainsi le territoire n’est pas crédible, c’est que les Britanniques préfèrent
largement utiliser leurs campagnes pour l’agriculture et les loisirs plutôt que
pour y pratiquer l’élevage intensif de panneaux solaires. Un autre sujet d’inquiétude,
c’est le coût. Ce livre n’est pas un livre d’économie, mais voici
néanmoins quelques chiffres : au tarif de la ferme solaire bavaroise, fournir
50 kWh/j par personne coûterait 91 000 € par personne ; si cette centrale
durait 20 ans sans nécessiter de dépense supplémentaire, le prix de gros de
l’électricité qu’elle produirait reviendrait à 25 centimes d’euros par kWh, à
comparer au tarif actuel de l’électricité en Europe, moitié moins cher. A lire
pour en savoir plus : David Carlson, BP solar [2ahecp].
↑ 13
Les Britanniques jettent de l’ordre de 300 g de nourriture par jour et par personne.
Source : Ventour (2008).
↑ 14 Figure 6.10. Aux États-Unis, du Miscanthus cultivé sans engrais azoté fournit environ 24 tonnes de matière sèche par hectare et par an. En Grande-Bretagne, des rendements annuels de 12 à 16 tonnes à l’hectare ont été annoncés. La valeur calorifique nette du Miscanthus sec est de 17 MJ/kg, donc les rendements britanniques correspondent à une densité de puissance de 0,75 W/m2. Sources : Heaton et al. (2004) et [6kqq77]. Le rendement estimé n’est atteint qu’après trois ans de culture sans récolte.
↑ 15
Les plantes les plus efficaces ont un rendement d’environ 2 %
[…] dans les faits, la meilleure performance que l’on puisse obtenir en Europe avec
des cultures énergétiques est plus proche de 0,5 W/m2.
Dans des conditions de faible lumière, les
meilleures plantes britanniques atteignent un rendement de 2,4 % si les
champs sont bien fertilisés (Monteith, 1977), mais lorsque la lumière est plus
forte, leur rendement de conversion s’effondre. Selon Turkenburg (2000) et
Schiermeier et al. (2008), le rendement de conversion de l’énergie solaire en
énergie de biomasse est inférieur à 1 %.
Voici quelques sources pour étayer l’estimation que je donne de
0,5 W/m2 de
la densité de puissance végétale au Royaume-Uni. La Commission Royale
sur la pollution environnementale a estimé la densité de puissance que pouvaient
potentiellement fournir des cultures énergétiques en Grande-Bretagne
à 0,2 W/m2 (Royal Commission on Environmental Pollution, 2004). A la page
43 du document de la Royal Society sur les agrocarburants (Royal Society
working group on biofuels, 2008), Miscanthus apparaît tout en haut de la
liste, fournissant environ 0,8 W/m2
de puissance chimique.
Dans le Rapport d’évaluation sur l’énergie du PNUD, Rogner (2000) écrit :
« en supposant un rendement de conversion en électricité de 45 % et des
rendements annuels de 15 tonnes de matière sèche par hectare, il faudrait
2 km2 de plantation pour chaque mégawatt d’électricité de capacité installée
fonctionnant 4 000 heures par an ». Cela fait une puissance par unité de
surface de 0,23 W(e)/m2. (1 W(e) signifie 1 watt de puissance électrique).
Energy for Sustainable Development Ltd (2003) estime que des taillis à rotation
courte peuvent fournir plus de 10 tonnes de bois sec par hectare et par
an, ce qui correspond à une densité de puissance de
0,57 W/m2. (Le bois sec
a une capacité calorifique de 5 kWh par kg.)
Selon Archer et Barber (2004), le rendement instantané d’une feuille en bonne
santé et dans des conditions optimales peut approcher 5 %, mais l’efficacité
de stockage de l’énergie à long terme des cultures modernes est plutôt de
l’ordre de 0,5 à 1 %. Archer et Barber suggèrent que par modification génétique,
il doit être possible d’améliorer le rendement de stockage des plantes,
en particulier des plantes en C4, que l’évolution a déjà naturellement dotées
d’une photosynthèse plus efficace. Les plantes en C4 sont surtout présentes
sous les tropiques et se plaisent dans les climats chauds ; elles ne peuvent pas
pousser en-dessous de 10°C. Parmi les plantes en C4, on trouve la canne à
sucre, le maïs, le sorgho, le mil rouge et le panic érigé. Zhu et al. (2008)
ont calculé que la limite théorique du rendement de conversion de l’énergie
solaire en biomasse était de 4,6 % pour la photosynthèse en C3 avec une
température de 30°C et la concentration actuelle de CO2 dans l’atmosphère
(380 ppm), et de 6 % pour la photosynthèse en C4. Selon eux, les rendements
de conversion de l’énergie solaire les plus élevés qui ont été observés
pour des cultures de plantes en C3 et en C4 sont respectivement de 2,4 %
et 3,7 %; et, citant Boyer (1982), que les rendements moyens de conversion
des principales cultures aux États-Unis sont 3 ou 4 fois plus faibles que ces
rendements records (autrement dit, elles ont des rendements de l’ordre de
1 %). Une des raisons pour lesquelles les plantes n’atteignent pas la limite
théorique provient de leur incapacité à utiliser l’intégralité du rayonnement
provenant d’un plein soleil. Ces deux papiers (Zhu et al., 2008; Boyer, 1982)
débattent des perspectives de génie génétique pour rendre ces plantes plus
efficaces.
↑ 16 Figure 6.11. Les chiffres dans cette figure proviennent de Rogner (2000) (rendements énergétiques nets du bois, du colza, de la canne à sucre et d’autres plantations tropicales) ; Bayer Crop Science (2003) (colza vers biodiesel) ; Francis et al. (2005) et Asselbergs et al. (2006) (jatropha) ; Mabee et al. (2006) (canne à sucre, Brésil) ; Schmer et al. (2008) (panic érigé, une culture marginale aux États-Unis) ; Shapouri et al. (1995) (maïs vers éthanol) ; Royal Commission on Environmental Pollution (2004) ; Royal Society working group on biofuels (2008) ; Energy for Sustainable Development Ltd (2003) ; Archer et Barber (2004) ; Boyer (1982) ; Monteith (1977).
↑ 17 Même le fait de brûler du bois bien sec dans une bonne chaudière fait perdre 20 % de chaleur qui part dans la cheminée. Sources : Royal Society working group on biofuels (2008) ; Royal Commission on Environmental Pollution (2004).