8 – Hydroélectricité

Figure 8.1. Barrage de Nant-y-Moch, faisant partie d’un aménagement hydroélectrique de 55 MW au Pays de Galles. Photographie de Dave Newbould, www.origins-photography.co.uk.

Pour obtenir de la puissance hydroélectrique, il vous faut de l’altitude, et il vous faut des précipitations. Faisons une estimation de l’énergie potentielle pouvant être produite par toute la pluie qui s’écoule jusqu’à la mer. Pour établir cette prévision hydroélectrique, je vais diviser la Grande-Bretagne en deux : la partie plus basse et plus sèche, que je vais appeler les « basses-terres » et la partie plus élevée et plus humide, que je vais appeler les « hautes-terres ». Les deux lieux que je vais choisir comme représentatifs de chacune de ces régions sont Bedford, au nord de Londres, et Kinlochewe, en Écosse (cf. carte ci-contre).

Voyons tout d’abord les basses-terres. Pour obtenir une estimation de la puissance gravitationnelle de la pluie des basses-terres, il nous faut multiplier les précipitations à Bedford (584 mm par an) par la densité de l’eau (1 000 kg/m3),1 la force de gravité terrestre (10 m/s2) et l’altitude typique au dessus de la mer des basses-terres (disons, 100 m). La puissance par unité de surface est alors de 0,02 W/m2. Cela correspond à la puissance par unité de surface de basses-terres sur laquelle de la pluie tombe.

Lorsqu’on la multiplie par la superficie par personne (2 700 m2, si les basses-terres sont réparties de manière équitable entre tous les 60 millions de Britanniques), on trouve une puissance moyenne brute absolue d’environ 1 kWh par jour et par personne. C’est la limite supérieure absolue de puissance hydroélectrique dans les basses-terres, si absolument toutes les rivières étaient retenues par des barrages, et si chaque goutte de pluie y était exploitée de manière parfaite. En réalité, on ne construira de barrages que sur les rivières présentant un dénivelé suffisamment important, et les bassins hydrographiques de ces rivières sont bien plus petits que le pays. Aucun système hydroélectrique ne peut exploiter l’intégralité du potentiel énergétique de l’eau, parce qu’avant d’atteindre la moindre turbine, l’essentiel de cette eau s’est évaporée. On arrive donc à une conclusion solide au sujet de la puissance de l’eau des basses-terres : les gens peuvent s’amuser à faire de l’hydroélectrique « au fil de l’eau » ou d’autres plans de petit hydroélectrique, mais de telles installations ne fourniront jamais plus de 1 kWh par jour et par personne.

Tournons-nous maintenant vers les « hautes-terres ». Kinlochewe est un endroit nettement plus arrosé : il y tombe 2 278 mm de précipitations par an, soit quatre fois plus qu’à Bedford. Les dénivelés sont eux aussi plus importants — une grande partie des hautes-terres est située au-dessus de 300 m d’altitude. Dans l’ensemble, l’estimation selon laquelle la puissance par mètre carré est douze fois supérieure dans les hautes-terres que dans les basses-terres est plausible. Dans ces conditions, la puissance brute par unité de surface est d’environ 0,24 W/m2.2 En supposant que les hautes-terres partagent généreusement leur puissance hydraulique avec le reste du Royaume-Uni (avec 1 300 m2 par personne), on trouve une limite maximale d’environ 7 kWh par jour et par personne. Comme pour les basses-terres, il s’agit d’une limite supérieure pour la puissance brute que l’on peut obtenir, en supposant qu’il n’y a aucune évaporation et que chaque goutte est parfaitement exploitée. En pratique, à combien peut-on estimer la limite plausible ? Sans doute 20 % de cette valeur — soit 1,4 kWh par jour, que l’on va arrondir pour y ajouter un peu de production venant des basses-terres : on obtient 1,5 kWh par jour.

Figure 8.2. Altitudes en Grande-Bretagne. Les rectangles montrent la superficie couverte par chaque étage du territoire.
(Erratum)

Figure 8.3. Hydroélectricité.

La puissance réelle que l’on obtient aujourd’hui de l’hydroélectricité au Royaume-Uni est de 0,2 kWh/j par personne.2 Pour passer à 1,5 kWh/j par personne, il faudrait donc multiplier par sept cette production de puissance hydroélectrique.

Notes et bibliographie

1 Précipitations. Les statistiques proviennent du centre météo de la BBC.

2 La puissance brute par unité de surface [de pluie sur les hautes terres] est d’environ 0,24 W/m2. On peut vérifier cette estimation en la confrontant à la densité de puissance réelle de l’installation hydroélectrique du Loch Sloy, achevée en 1950 (Ross, 2008). Le bassin hydrologique du Loch Sloy est d’environ 83 km2 ; les précipitations y sont d’environ 2 900 mm par an (un peu plus que les 2 278 mm/an de Kinlochewe), et la production d’électricité en 2006 y a été de 142 GWh par an, ce qui correspond à une densité de puissance de 0,2 W/m2 de bassin hydrologique. La surface du Loch Sloy étant d’environ 1,5 km2, la puissance produite par la centrale hydroélectrique par mètre carré de lac est donc de 11 W/m2. Les versants, les conduites forcées et les tunnels qui acheminent l’eau jusqu’au loch se comportent donc comme un concentrateur qui multiplie la puissance par 55.

3 La puissance réelle provenant de l’hydroélectricité au Royaume-Uni est aujourd’hui de 0,2 kWh/j par personne. Source : MacLeay et al. (2007). En 2006, le grand hydroélectrique a produit 3 515 GWh (à partir d’un parc de centrales d’une capacité cumulée de 1,37 GW) ; le petit hydroélectrique a produit 212 GWh (soit 0,01 kWh/j/pers) (à partir d’un parc d’une capacité cumulée de 153 MW). En 1943, lorsque la croissance de l’hydroélectricité battait son plein, les ingénieurs du North of Scotland Hydroelectricity Board estimaient que les Highlands d’Écosse permettraient de produire 6,3 TWh par an répartis sur 102 centrales — ce qui correspondrait à 0,3 kWh/j par personne pour le Royaume-Uni (Ross, 2008).
Glendoe, le premier projet hydroélectrique de grande taille au Royaume-Uni depuis 1957, ajoutera 100 MW de capacité, et on s’attend à ce qu’il produise 180 GWh par an. Le bassin hydrologique de Glendoe a une superficie de 75 km2 ; on peut donc en déduire sa densité de puissance : 0,27 W/m2 de bassin hydrologique. Glendoe a été présenté par certains comme « suffisamment important pour alimenter Glasgow». Mais si l’on partage ses 180 GWh par an entre tous les habitants de Glasgow (616 000 habitants), on n’obtient que 0,8 kWh/j par personne. C’est à peine 5 % de la consommation moyenne d’électricité, qui est de 17 kWh/j par personne. Cette exagération d’un facteur 20 est due au fait que ces commentateurs se sont concentrés sur la production en crête de Glendoe plutôt que sur sa production moyenne sur l’année, qui est 5 fois plus faible ; et en parlant de « nombre de foyers » au lieu de parler de puissance électrique totale consommée par Glasgow (voir page 387).

Figure 8.4. Une roue à aubes de 60 kW.