H – Les trucs II

Figure H.1. Laminage en continu de bandes d’acier à la Korea Iron and Steel Company.

L’énergie importée

Dieter Helm et ses collègues ont estimé l’empreinte d’un kilogramme de produit importé depuis un pays X en utilisant l’intensité moyenne en carbone de l’économie du pays X (c’est-à-dire le rapport entre ses émissions de carbone et son produit national brut). Ils en ont conclu que le carbone incorporé dans les importations de la Grande-Bretagne était environ de 16 tonnes eq CO2 par an et par personne (en toute logique, il faudrait sans doute ajouter cette empreinte des importations à l’empreinte carbone officielle de la Grande-Bretagne, qui est de 11 tonnes eq CO2 par an et par personne). Une étude ultérieure plus détaillée, commandée par la DEFRA, a estimé que la quantité de carbone incorporée dans nos importations était plus faible, mais malgré tout très conséquente : environ 6,2 tonnes eq CO2 par an et par personne.1 En termes d’énergie, 6 tonnes eq CO2 par an reviennent à quelque chose comme 60 kWh/j.

Voyons ici si nous pouvons retrouver ces conclusions par un raisonnement différent, qui repose sur le poids des importations.

La figure H.2 montre les importations de la Grande-Bretagne en 2006 de trois façons : à gauche, la valeur totale des importations, répartie par pays d’origine. Au milieu, la même valeur financière est répartie par type de produit importé, en utilisant les catégories du Service des Revenus et Douanes de Sa Majesté. A droite, toutes les importations maritimes de la Grande-Bretagne sont indiquées par poids et réparties selon les catégories utilisées par le ministère des Transports, qui se moque de savoir s’il s’agit de cuir ou de tabac — ce qu’il note, c’est le poids des produits, sous forme sèche ou liquide, et s’ils sont arrivés par conteneur ou par camion.

Le coût énergétique des combustibles importés (en haut à droite) est déjà inclus dans la comptabilité standard de la consommation énergétique britannique ; les coûts énergétiques de toutes les autres importations ne le sont pas. Pour la plupart des matériaux, l’énergie incorporée par unité de poids est supérieure ou égale à 10 kWh par kg — ce qui correspond à l’énergie par unité de poids des combustibles fossiles. Ceci est vrai pour tous les métaux et alliages, tous les polymères et autres composés chimiques, la plupart des produits du papier, et beaucoup de céramiques, par exemple. Les exceptions sont les matériaux bruts comme les minerais ; les céramiques poreuses comme le béton, la brique et la porcelaine, dont le coût énergétique est 10 fois plus faible ; le bois et certains caoutchoucs ; et les verres, dont le coût énergétique est un poil en dessous de 10 kWh par kg. [r22oz]

Nous pouvons donc obtenir une valeur approchée de l’empreinte énergétique de nos importations simplement en partant du poids des produits manufacturés, et en excluant des produits comme les minerais et le bois. Compte tenu du caractère approximatif des données dont nous partons, nous allons forcément faire des erreurs, et inclure par inadvertance certains objets faits de bois ou de verre. Mais on peut espérer que ces dérapages seront compensés par le fait que nous allons sous-estimer le contenu énergétique de la plupart des métaux et plastiques, et aussi celui d’objets plus complexes, dont beaucoup ont une énergie incorporée, non pas de 10, mais de 30 kWh par kg, si ce n’est plus encore.

Figure H.2. Importations de trucs au Royaume-Uni, en 2006.

Pour faire ce calcul, je vais prendre dans la colonne de droite de la figure H.2 les produits en fer et en acier, les produits secs en gros, le fret en conteneur et « l’autre fret », ce qui, au total, fait 98 millions de tonnes par an. Je laisse les véhicules à part pour le moment. De ce total, je soustrais une quantité estimée à 25 millions de tonnes de nourriture qui se cache probablement dans le catégorie « autre fret » (34 millions de tonnes d’aliments ont été importées en 2006), ce qui nous laisse 73 millions de tonnes.

Si l’on convertit ces 73 millions de tonnes en énergie en utilisant le facteur suggéré ci-dessus, et qu’on les répartit entre 60 millions de personnes, on peut estimer que ces importations incorporent une énergie de 33 kWh/j par personne.

Pour les voitures, on peut faire ce calcul un peu moins à la louche, car nous en savons un peu plus : le nombre de véhicules importés en 2006 a été de 2,4 millions. Si nous utilisons le chiffre de 76 000 kWh pour la quantité d’énergie incorporée par voiture (un nombre que nous avons pris dans le chapitre 15), alors ces voitures importées incorporent une énergie de 8 kWh/j par personne.

Figure H.3. Une mine de niobium à ciel ouvert, au Brésil.

Je n’ai pas pris en compte les « produits liquides en gros » dans mon estimation parce que je ne suis pas sûr de savoir de quelle sorte de produits il s’agisse. S’il s’agit de produits chimiques sous forme liquide, leur contribution pourrait être non négligeable.

Nous sommes parvenus à une estimation finale de 41 kWh/j par personne pour l’énergie incorporée dans les importations — incontestablement du même ordre de grandeur que l’estimation de Dieter Helm et de ses collègues.

Je soupçonne que ce chiffre de 41 kWh/j par personne soit sous-estimé, car l’intensité énergétique que nous avons supposée (10 kWh par kg) est trop basse pour la plupart des types de biens manufacturés comme les machines-outils ou les appareils électriques. Cependant, sans connaître les poids de toutes les catégories importées, c’est la meilleure estimation que je puisse obtenir pour le moment.

Analyse de cycle de vie pour les bâtiments

Les tableaux H.4 et H.5 nous montrent les estimations de l’énergie nécessaire à la fabrication de divers matériaux de construction, ainsi que celle nécessaire à la construction proprement dite. Ceci inclut l’énergie utilisée pour transporter les matériaux bruts jusqu’à l’usine, mais pas l’énergie pour transporter le produit fini jusqu’au site de construction.

Le tableau H.6 utilise ces chiffres pour estimer l’énergie de fabrication requise pour construire une maison de 4 pièces. La quantité d’énergie brute nécessaire va au-delà, et inclut l’énergie incorporée dans l’infrastructure urbaine, par exemple l’énergie incorporée dans les machines qui produisent les matériaux bruts. En règle générale, on obtient grossièrement l’énergie nécessaire brute d’un bâtiment en multipliant par deux la quantité d’énergie nécessaire à sa construction [3kmcks].

En répartissant 42 000 kWh sur 100 ans, et en les multipliant par deux pour estimer le coût énergétique brut, l’énergie totale incorporée dans une maison s’élève à environ 2,3 kWh/j. Il ne s’agit que du coût énergétique de l’enveloppe de la maison : briques, tuiles et poutres.

Tableau H.4. Énergie incorporée dans les matériaux de construction (en considérant l’emploi de matériaux vierges et non de produits recyclés). (Les blocs de pierre sont faits de pierre naturelle sélectionnée ou taillée à des dimensions ou des formes spécifiques.)
Sources : [3kmcks], Lawson (1996).

Matériau Énergie incorporée
  (MJ/kg) (kWh/kg)
Bois tendre séché au four 3,4 0,94
Bois dur séché au four 2,0 0,56
Bois dur séché à l’air 0,5 0,14
Panneau d’aggloméré 24,2 6,7
Panneau de particules 8,0 2,2
Panneau de fibres « medium » 11,3 3,1
Contreplaqué 10,4 2,9
Lamellé-collé 11 3,0
Stratifié 11 3,0
Paille 0,24 0,07
Terre stabilisée 0,7 0,19
Bloc de granite importé 13,9 3,9
Bloc de granite local 5,9 1,6
Plâtre 2,9 0,8
Placoplâtre 4,4 1,2
Fibre-ciment 4,8 1,3
Ciment 5,6 1,6
Béton fabriqué sur site 1,9 0,53
Béton préfabriqué étuvé 2,0 0,56
Béton préfabriqué érigé 1,9 0,53
Briques de terre cuite 2,5 0,69
Parpaings en béton 1,5 0,42
Béton aéré en autoclave 3,6 1,0
Plastique — en général 90 25
PVC 80 22
Caoutchouc synthétique 110 30
Peinture acrylique 61,5 17
Verre 12,7 3,5
Fibre de verre (laine de verre) 28 7,8
Aluminium 170 47
Cuivre 100 28
Acier galvanisé 38 10,6
Acier inoxydable 51,5 14,3

Tableau H.5. Énergie incorporée dans divers murs, planchers, et toits. Sources : [3kmcks], Lawson (1996).
Énergie incorporée
(kWh/m2)
Murs
   Montants bois, panneaux bois, revêtement placoplâtre 52
   Montants bois, parement brique, revêtement placoplâtre 156
   Montants bois, panneaux aluminium, revêtement placoplâtre 112
   Montants acier, parement brique, revêtement placoplâtre 168
   Double mur de brique en terre cuite, revêtement placoplâtre 252
   Terre compressée stabilisée au ciment 104
Sols
   Plancher surélevé en bois 81
   Chape de béton de 110 mm d’épaisseur sur le sol 179
   Plancher rempli de 200 mm, sur poutrelles de béton préfabriquées 179
Toits
   Charpente bois, tuiles béton, plafond placoplâtre 70
   Charpente bois, tuiles terre cuite, plafond placoplâtre 75
   Charpente bois, toiture bac acier, plafond placoplâtre 92

Tableau H.6. Énergie requise pour la construction d’une maison de 4 pièces.
Surface
(m2)
× densité énergétique
(kWh/m2)
énergie
(kWh)
Planchers 100 ×   81 = 8 100
Toit 75 ×   75 = 5 600
Murs extérieurs 75 × 252 = 19 000
Murs intérieurs 75 × 125 = 9 400
Total 42 000

Notes et bibliographie

Figure H.7. Le viaduc de Millau, en France, le plus haut pont du monde à ce jour. Fait d’acier et de béton, long de 2,5 km et haut de 353 m.

1 Une étude ultérieure plus détaillée, commandée par la DEFRA, a estimé que la quantité de carbone incorporée dans nos importations était plus faible, mais malgré tout très conséquente : environ 6,2 tonnes eq CO2 par an et par personne. Wiedmann et al. (2008).

Pour en savoir plus : www.greenbooklive.com présente des évaluations de cycle de vie des matériaux de construction.
Quelques conseils de prudence utiles au sujet des analyses de cycle de vie : www.gdrc.org/uem/lca/life-cycle.html. Liens additionnels : www.epa.gov/ord/NRMRL/lcaccess/resources.htm.