La figure 30.1 montre la consommation de puissance de très nombreux pays ou régions du monde, comparée à leur produit national brut (PNB). Une supposition très fréquente est que le développement humain et la croissance sont de bonnes choses. En esquissant des plans énergétiques durables pour le monde entier, je vais faire l’hypothèse que tous les pays qui ont un faible PNB par habitant vont progresser vers la droite dans la figure 30.1, et qu’avec l’augmentation de leur PNB, leur consommation de puissance va, elle aussi, inévitablement augmenter. Le plan de consommation qu’il nous faut établir n’est pas très clair, mais partir du niveau de consommation d’un Européen moyen (125 kWh par jour et par personne) me semble une hypothèse raisonnable. On pourrait aussi supposer que des mesures d’efficacité comparables à celles envisagées pour la Grande-Bretagne schématique des chapitres 19 à 28 puissent permettre à tous les pays d’atteindre un niveau de vie européen avec une consommation de puissance plus faible. Dans le plan de la consommation de la page 241, la consommation de la Grande-Bretagne schématique tombe à environ 68 kWh/j/pers.. En gardant à l’esprit que notre Grande-Bretagne schématique ne possède que peu d’activités industrielles, il serait sans doute raisonnable de prendre comme hypothèse une consommation cible un peu plus élevée, comme celle de Hong-Kong (80 kWh/j/pers.).
Est-ce que l’Europe peut vivre juste sur des renouvelables ?
La densité de population moyenne en Europe est en gros deux fois plus faible que celle de la Grande-Bretagne. On y trouve donc plus de surfaces de terres dans lesquelles il est possible d’installer d’énormes installations d’énergie renouvelable. La superficie de l’Union européenne est en gros de 9 000 m2 par personne. Cependant, bon nombre des sources d’énergie renouvelable ont une densité de puissance plus faible en Europe qu’en Grande-Bretagne : sur l’essentiel du continent européen, il y a moins de vent, moins de vagues et moins de marées. Certaines régions ont plus de possibilités hydroélectriques (en Scandinavie et en Europe centrale), et certaines reçoivent plus de soleil. Voyons maintenant quelques chiffres approximatifs.
Au cœur du continent européen, les vitesses de vent typiques sont plus faibles que sur les Îles Britanniques — sur l’essentiel de l’Italie, par exemple, les vitesses de vent sont inférieures à 4 m/s. Faisons l’hypothèse qu’un cinquième de l’Europe dispose de vitesses de vent suffisantes pour atteindre une densité de puissance de 2 W/m2 et pour que des fermes éoliennes soient économiquement rentables. Supposons également que l’on prescrive à ces régions la même ordonnance qu’à la Grande-Bretagne dans le chapitre 4, en couvrant 10 % de leur surface de fermes éoliennes. Puisque la superficie de l’Union européenne est environ 9 000 m2 par personne, le vent permet de fournir :
1 | × 10% × 9000 m2 × 2 W/m2 = 360 W |
5 |
soit 9 kWh/j par personne.
La production hydroélectrique cumulée en Europe atteint 590 TWh/an, ou 67 GW. Partagée entre 500 millions d’habitants, cela fait 3,2 kWh/j par personne. Cette production est dominée par la Norvège, la France, la Suède, l’Italie, l’Autriche et la Suisse. Si chaque pays doublait la taille de son parc d’installations hydroélectriques — ce qui serait, à mon avis, difficile — alors l’hydroélectricité pourrait fournir 6,4 kWh/j par personne.
Si on prend tout le littoral atlantique (environ 4 000 km) et si on le multiplie par un rythme de production moyenne supposé être égal à 10 kW/m, alors on obtient 2 kWh/j par personne. Les littoraux baltiques et méditerranéens ne disposent d’aucune ressource de vagues de houle qui soit intéressante.
Si l’on double la ressource totale estimée autour des îles Britanniques (11 kWh/j par personne, cf. chapitre 14) pour prendre en compte l’exploitation des ressources marémotrices de France, d’Irlande et de Norvège, et qu’on la partage entre 500 millions d’Européens, on obtient 2,6 kWh/j par personne. Les littoraux baltiques et méditerranéens ne disposent d’aucune ressource marémotrice qui soit intéressante.
La plupart des régions du continent européen sont plus ensoleillées que le Royaume-Uni. Des panneaux solaires y fourniraient donc plus de puissance. 10 m2 de panneaux photovoltaïques installés sur les toits fourniraient environ 7 kWh/j dans toutes les régions situées plus au sud que la Grande-Bretagne. De même, 2 m2 de panneaux solaires thermiques pourraient fournir en moyenne 3,6 kWh/j de chaleur de basse qualité. (Je ne vois pas beaucoup d’intérêt à avoir plus de 2 m2 de panneaux solaires thermiques par personne, puisqu’une telle capacité serait déjà suffisante pour répondre entièrement à la demande habituelle d’eau chaude.)
Le total atteint jusque-là est de 9 + 6,4 + 2 + 2,6 + 7 + 3,6 = 30,6 kWh/j par personne. Les seules ressources que nous n’avons pas encore mentionnées sont la géothermie et les parcs solaires de grande taille (que ce soit avec des miroirs, des panneaux ou de la biomasse).
La géothermie pourrait faire l’affaire, mais elle en est toujours au stade de la recherche. Je suggère de la considérer comme la fusion nucléaire : un bon investissement, mais pas un investissement sur lequel il faut se reposer.
Et les parcs solaires ? On pourrait imaginer utiliser 5 % de la surface de l’Europe (soit 450 m2 par personne) pour installer des parcs photovoltaïques comme celle de la figure 6.7 en Bavière (qui a une densité de puissance de 5 W/m2). Ce qui permettrait de fournir une puissance moyenne de :
5 W/m2 × 450 m2 = 54 kWh/j par personne.
Par conséquent, des parcs photovoltaïques de grande taille pourraient ajouter une quantité substantielle à notre compte. Mais le problème principal des panneaux photovoltaïques, c’est leur coût. Et obtenir de la puissance en hiver, c’est aussi un problème !
Les cultures énergétiques ? Les plantes ne capturent que 0,5 W/m2 (figure 6.12). Étant donné que l’Europe a besoin de se nourrir, la contribution de la puissance non alimentaire à partir de plantes en Europe ne pourra jamais être énorme. Certes, il y a bien un peu de colza cultivé pour son huile ici, et un peu de forêts là, mais je ne vois pas comment la contribution non alimentaire totale des plantes pourrait dépasser 12 kWh/j par personne.
Soyons réalistes. Tout comme la Grande-Bretagne, l’Europe ne peut pas vivre en se reposant uniquement sur ses propres ressources d’énergie renouvelable. Alors si le but est de se débarrasser des combustibles fossiles, l’Europe a besoin du nucléaire ou du solaire importé de déserts d’autres pays (comme décrit en page 211), voire des deux.
L’Américain moyen consomme 250 kWh/j par personne. Cet objectif est-il atteignable avec juste des renouvelables ? Et si on imaginait d’imposer des mesures d’efficacité énergétique de choc (comme des voitures plus économes et des trains électriques à grande vitesse), de telle sorte que les Américains en soient réduits au misérable niveau de vie d’à peine 125 kWh/j qu’un citoyen européen ou japonais typique doit supporter ?
Une étude d’Elliott et al. (1991) a fait une évaluation du potentiel éolien aux États-Unis. Les sites les plus ventés se trouvent dans le Dakota du Nord, au Wyoming et dans le Montana. Ils ont calculé que, sur l’ensemble des États-Unis, 435 000 km2 de terres avec du vent pourraient être exploitées sans hérisser trop de gens, et que la quantité d’électricité produite pourrait être de 4 600 TWh par an, ce qui fait 42 kWh par jour et par personne si on la partage entre 300 millions de personnes. Soit dit en passant, leurs calculs font l’hypothèse d’une densité de puissance moyenne de 1,2 W/m2 — c’est-à-dire moins que les 2 W/m2 que nous avons supposés dans le chapitre 4. La superficie de ces fermes éoliennes, 435 000 km2, est à peu près la même que celle de la Californie. La capacité cumulée des aérogénérateurs qu’il faudrait installer (en supposant un facteur de charge de 20 %) serait d’environ 2 600 GW, ce qui correspond à une multiplication par 200 du parc éolien actuellement installé aux États-Unis.
Si on suppose qu’une superficie d’eaux marines de faible profondeur égale à celle du Delaware et du Connecticut réunis (20 000 km2, soit une partie substantielle de toutes les eaux marines de faible profondeur présentes sur la côte est des États-Unis)1 sont recouvertes de fermes éoliennes offshore avec une densité de puissance de 3 W/m2, on obtient une puissance moyenne de 60 GW. Ce qui fait 4,8 kWh/j par personne si on les partage entre 300 millions de personnes. La capacité des aérogénérateurs qu’il faudrait installer correspondrait à une multiplication par 15 du parc éolien actuellement installé aux États-Unis.
J’ai mentionné une étude du MIT sur l’énergie géothermique (Massachusetts Institute of Technology, 2006) dans le chapitre 16. Les auteurs sont optimistes quant au potentiel de l’énergie géothermique en Amérique du Nord, en particulier dans les États de l’ouest où se trouvent plus de roches chaudes fracturables. « Avec un investissement en R&D raisonnable, des systèmes géothermiques stimulés pourraient fournir 100 GW(e) voire plus, de capacité de production pour les 50 prochaines années à un coût compétitif. De plus, des systèmes géothermiques stimulés constitueraient une source de puissance sûre à long terme. » Supposons qu’ils ne se trompent pas. 100 GW d’électricité, cela fait 8 kWh/j par personne si on les partage entre 300 millions de personnes.
Les installations hydroélectriques du Canada, des États-Unis, et du Mexique génèrent environ 660 TWh par an. Partagés entre 500 millions de personnes, cela fait 3,6 kWh/j par personne. Est-il possible de multiplier par deux la production hydroélectrique nord-américaine ? Si c’était le cas, l’hydroélectrique pourrait fournir 7,2 kWh/j par personne.
Au total, on atteint jusque-là 42 + 4,8 + 8 + 7,2 = 62 kWh/j par personne. Cela ne suffit même pas à assurer une existence européenne ! Je pourrais débattre de nombreuses autres possibilités, comme la combustion durable des forêts canadiennes dans les centrales électriques. Mais plutôt que de prolonger une lente agonie, passons directement à une technologie qui compte vraiment : le solaire à concentration.
La figure 30.3 montre la superficie d’Amérique du Nord qui pourrait fournir à tout un chacun sur place (500 millions de personnes) une puissance moyenne de 250 kWh/j.
Hormis le solaire, les renouvelables en Amérique du Nord ne suffisent pas à faire vivre la population de ce continent. Mais si on y ajoute un développement massif du solaire, alors il y en a assez. Par conséquent, l’Amérique du Nord a besoin soit de solaire dans ses propres déserts, soit du nucléaire, soit des deux.2
Figure 30.3.
Le petit carré jaune a encore frappé. Un tel carré de 600 km sur 600 km en Amérique
du Nord, complètement couvert d’installations solaires à concentration, fournirait assez de
puissance pour permettre à 500 millions de personnes d’avoir la consommation moyenne de
puissance d’un Américain, c’est-à-dire 250 kWh/j.
Cette carte montre également le carré jaune de 600 km sur 600 km en Afrique que
nous avons vu précédemment. J’ai fait l’hypothèse d’une densité de puissance de 15 W/m2,
comme précédemment.
A titre de comparaison, un carré jaune a la même superficie que l’Allemagne, ou bien
recouvre les deux tiers du territoire français. Pour ceux qui préfèrent la traduction en américain,
il a une superficie un peu plus importante que celle de l’Arizona, et 16 fois la taille
du New Jersey. Dans chacun de ces grands carrés, il y a un petit carré de 145 km sur 145 km
montrant la surface de désert requise (aussi grande que le New Jersey) pour fournir 250 kWh
par jour et par personne à 30 millions de personnes.
Comment 6 milliards de personnes peuvent-elles obtenir la puissance nécessaire pour assurer un niveau de vie de type européen — disons, 80 kWh par jour et par personne, par exemple ?
Les sites exceptionnels dans le monde, avec des vents forts et réguliers, sont les États du centre des États-Unis (Kansas, Oklahoma), le Saskatchewan au Canada, les extrémités sud de l’Argentine et du Chili, le nord-est de Australie, le nord-est et le nord-ouest de la Chine, le nord-ouest du Soudan, le sud-ouest de l’Afrique du Sud, la Somalie, l’Iran, et l’Afghanistan. Ainsi que tous les sites en mer au-delà de 30 degrés de latitude nord et sud.
Pour notre estimation planétaire, reprenons les chiffres que donnent Greenpeace et l’Association européenne pour l’éolien : « les ressources éoliennes totales disponibles à l’échelle mondiale sont estimées à 53 000 TWh par an ». Cela fait 24 kWh/j par personne.
A l’échelle mondiale, l’hydroélectricité contribue actuellement pour environ 1,4 kWh/j par personne.
D’après le site www.ieahydro.org, « l’association internationale pour l’hydroélectricité et l’Agence internationale de l’énergie estiment le potentiel hydroélectrique techniquement exploitable total à 14 000 TWh par an [soit 6,4 kWh/j par personne dans le monde], dont environ 8 000 TWh par an [soit 3,6 kWh/j par personne] sont actuellement considérés comme économiquement rentables.3 L’essentiel du potentiel de développement se trouve en Afrique, en Asie et en Amérique latine. »
Il y a plusieurs sites dans le monde disposant de ressources marémotrices de même échelle que l’estuaire de la Severn (figure 14.8). En Argentine, il existe deux sites : San José et le Golfo Nuevo. L’Australie possède le Walcott Inlet. Les États-Unis et le Canada se partagent la baie de Fundy, le Canada a la Baie Cobéquid. L’Inde a le Golfe de Khambat. Les États-Unis ont le Turnagain Arm et le Knik Arm, en Alaska, et la Russie a Tugur, sur la mer d’Okhotsk.
Ensuite, il y a le site le plus énorme du monde, en Russie, nommé Penzhinsk, avec une ressource de 22 GW — dix fois grand comme la Severn !
Kowalik (2004) estime que dans le monde entier, 40 à 80 GW de puissance marémotrice pourraient être générés. Partagés entre 6 milliards de personnes, cela représente de 0,16 à 0,32 kWh/j par personne.
On peut estimer la puissance totale extractible de la houle en multipliant la longueur des côtes exposées (environ 300 000 km) par la puissance typique par unité de longueur de côtes (10 kW par mètre) : la puissance brute est donc d’environ 3 000 GW.4
En supposant que 10 % de cette puissance brute soit interceptée par des systèmes convertissant la puissance mécanique en puissance électrique avec un rendement de 50 %, les vagues de houle pourraient fournir 0,5 kWh/j par personne.
Selon D. H. Freeston, de l’Institut géothermique d’Auckland, la puissance géothermique s’élevait en moyenne à environ 4 GW à l’échelle mondiale en 1995 5 — soit 0,01 kWh/j par personne.
Si on suppose que les auteurs du MIT mentionnés page 278 ne se sont pas trompés, et si on suppose que le monde entier est comparable à l’Amérique, alors la puissance géothermique offre 8 kWh/j par personne.
Les gens deviennent tous très enthousiastes dès qu’on parle des cultures énergétiques comme le jatropha, qui, d’après ce qu’on dit, n’entrerait pas en concurrence avec la nourriture pour ses surfaces cultivées, parce qu’on peut le faire pousser dans les zones désertiques. Les gens devraient regarder les chiffres avant de s’emballer. Ceux concernant le jatropha se trouvent en page 335. Même si toute l’Afrique était complètement recouverte de champs de jatropha, la puissance produite, partagée entre 6 milliards de personnes, serait de 8 kWh/j par personne (soit seulement un tiers de la consommation mondiale de pétrole actuelle).6 Vous n’arriverez pas à résoudre le problème de votre addiction au pétrole en passant au jatropha !
Sheffield | 28 % |
Edimbourg | 30 % |
Manchester | 31 % |
Cork | 32 % |
Londres | 34 % |
Cologne | 35 % |
Copenhague | 38 % |
Munich | 38 % |
Paris | 39 % |
Berlin | 42 % |
Wellington (N.-Zélande) | 43 % |
Seattle | 46 % |
Toronto | 46 % |
Detroit | 54 % |
Winnipeg (Canada) | 55 % |
Pékin | 55 % |
Sydney | 56 % |
Pula (Croatie) | 57 % |
Nice | 58 % |
Boston | 58 % |
Bangkok (Thaïlande) | 60 % |
Chicago | 60 % |
New York | 61 % |
Lisbonne | 61 % |
Kingston (Jamaïque) | 62 % |
San Antonio (États-Unis) | 62 % |
Séville (Espagne) | 66 % |
Nairobi (Kenya) | 68 % |
Johannesbourg | 71 % |
Tel Aviv | 74 % |
Los Angeles | 77 % |
Upington (Afrique du s.) | 91 % |
Yuma (États-Unis) | 93 % |
Désert du Sahara | 98 % |
Faisons une estimation de la limite théorique de la puissance que des cultures énergétiques pourraient fournir au monde entier, en utilisant la même méthode que celle que nous avons appliquée pour la Grande-Bretagne dans le chapitre 6 : imaginons qu’on prenne toutes les terres arables ou cultivées, et qu’on les consacre à des cultures énergétiques — 18 % des terres de la planète sont actuellement des terres arables ou cultivées, ce qui fait une superficie de 27 millions de km2, ou encore 4 500 m2 par personne si on les partage entre 6 milliards d’individus. En faisant l’hypothèse d’une densité de puissance de 0,5 W/m2 et de 33 % de pertes durant les processus agricoles et industriels, on trouve que les cultures énergétiques occupant l’intégralité des terres agricoles pourraient fournir 36 kWh/j par personne. Maintenant, c’est peut-être une sous-estimation, puisque nous avons vu dans la figure 6.12 que la canne à sucre brésilienne pouvait fournir une densité de puissance de 1,6 W/m2, c’est-à-dire trois fois plus que ce que je viens de supposer. Bon, d’accord, au Brésil, les cultures énergétiques ont donc peut-être un certain avenir. Mais j’aimerais passer à la dernière possibilité.
Les chauffe-eau solaires sont une évidence. Ils peuvent fonctionner presque partout dans le monde. La Chine est un leader mondial de cette technologie. Il y a plus de 100 GW de capacité de chauffe-eau solaires installée dans le monde entier, et plus de la moitié se trouve en Chine.
Le photovoltaïque est techniquement faisable en Europe, mais je l’ai jugé trop cher. J’espère avoir tort, évidemment. Ce serait vraiment super si le coût de la puissance photovoltaïque baissait de la même manière que celui de la puissance informatique durant ces quarante dernières années.
À mon avis, dans de nombreuses régions, la meilleure technologie solaire pour produire de l’électricité sera le solaire à concentration, dont nous avons parlé pages 210 et 279. Dans ces pages, nous avons déjà établi que le niveau de vie d’un milliard de personnes en Europe et en Afrique du nord pourrait être soutenu par des installations solaires à concentration de la taille d’un pays entier, et placées dans des déserts proches de la Méditerranée ; et que le niveau de vie d’un demi-milliard d’habitants en Amérique du Nord pourrait être soutenu par des installations aussi grandes que l’Arizona, placées dans des déserts des États-Unis et du Mexique. À titre d’exercice, je laisse au lecteur le soin de trouver les déserts les plus appropriés pour soutenir un niveau de vie comparable pour les 4,5 autres milliards d’individus dans le monde.
Hormis le solaire, les chiffres sont les suivants : éolien : 24 kWh/j/pers ; hydroélectrique : 3,6 kWh/j/pers ; marées : 0,3 kWh/j/pers ; vagues : 0,5 kWh/j/pers ; géothermie : 8 kWh/j/pers — soit un total de 36 kWh/j/pers. Notre cible était celle d’une consommation post-européenne de 80 kWh/j par personne. Notre conclusion est donc claire : à part le solaire, les renouvelables sont peut-être « énormes », mais ils ne le sont pas assez. Pour compléter un plan dont le compte soit bon, il faut nous reposer sur une ou plusieurs formes d’énergie solaire. Ou bien utiliser le nucléaire. Ou les deux.
↑ 1 Ressources éoliennes en mer en Amérique du Nord. www.ocean.udel.edu/windpower/ResourceMap/index-wn-dp.html
↑ 2 L’Amérique du Nord a besoin soit de solaire dans ses déserts, soit du nucléaire, soit des deux. Pour lire le plan de Google de 2008 pour une défossilisation à 40 % des États-Unis, voir l’article de Jeffery Greenblatt intitulé Clean Energy 2030 [3lcw9c]. Les principaux éléments de ce plan sont des mesures pour une meilleure efficacité énergétique, l’électrification des transports et la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables. Leur plan de production d’électricité inclut :
10,6 kWh/j/pers. | d’éolien, |
2,7 kWh/j/pers. | de photovoltaïque, |
1,9 kWh/j/pers. | de solaire à concentration, |
1,7 kWh/j/pers. | de biomasse, |
et 5,8 kWh/j/pers. | de géothermie |
d’ici à 2030. Cela fait un total de 23 kWh/j/pers. de nouveaux renouvelables. Ils supposent aussi une légère augmentation de l’énergie nucléaire, qui passe de 7,2 kWh/j/pers. à 8,3 kWh/j/pers., et aucun changement dans la production hydroélectrique. Le gaz naturel continuerait à être utilisé, contribuant à hauteur de 4 kWh/j/pers.
↑ 3 Le potentiel hydroélectrique total à l’échelle mondiale… Source : www.ieahydro.org/faq.htm.
↑ 4 La ressource mondiale de puissance de la houle près des côtes est estimée à 3 000 GW. Voir Quayle et Changery (1981).
↑ 5 La puissance géothermique à l’échelle mondiale en 1995. Freeston (1996).
↑ 6 Cultures énergétiques. Voir Rogner (2000) pour des estimations similaires à la mienne.
Pour en savoir plus : La revue Nature a publié un article de 8 pages décrivant comment fournir de la puissance au monde entier (Schiermeier et al., 2008).