Ce chapitre étudie sous toutes ses coutures la question de savoir combien de puissance on consomme pour contrôler la température de tout ce qui nous entoure — à la maison comme au travail — et pour chauffer ou refroidir notre nourriture, nos boissons, notre linge ou encore notre vaisselle sale.
Notre plus grand usage d’eau chaude dans une maison, c’est pour prendre des bains, des douches, laver la vaisselle ou le linge — cela dépend de notre style de vie. Commençons par essayer d’estimer la quantité d’énergie utilisée pour prendre un bain chaud.
Le volume d’eau pour un bain est de l’ordre de 50 cm × 15 cm × 150 cm ≈ 110 litres. Disons que la température du bain est de 50°C et que l’eau arrivant dans la maison est à 10°C. La capacité calorifique de l’eau, qui mesure combien d’énergie il faut pour la chauffer, est de 4 200 J par litre et par degré Celsius. La quantité d’énergie qu’il faut pour réchauffer l’eau de 40°C est de :
4200 J/litre/°C × 110 litres × 40°C ≈ 18 MJ ≈ 5 kWh.
Prendre un bain consomme donc environ 5 kWh. À titre de comparaison, prendre une douche (30 litres) consomme environ 1,4 kWh.
Pays civilisé, la Grande-Bretagne est dotée d’un réseau qui fournit de l’électricité domestique en 230 V. Grâce à cela, on peut faire bouillir plusieurs litres d’eau en quelques minutes dans une bouilloire électrique. Ces bouilloires ont une puissance de 3 kW. Pourquoi 3 kW ? Parce que c’est la puissance maximum qu’une prise électrique de 230 volts peut fournir sans que le courant dépasse le maximum autorisé, qui est de 13 ampères. Dans les pays en 110 volts, il faut deux fois plus de temps pour faire bouillir de l’eau.
Si un foyer utilise sa bouilloire 20 minutes par jour, cela fait une consommation moyenne de puissance de 1 kWh par jour. (Dans la suite du chapitre, quand je compterai « par foyer », je considérerai qu’il y a 2 personnes par foyer.)
Sur une cuisinière électrique, une petite plaque a la même puissance qu’un grille-pain : 1 kW. Les plaques les plus puissantes fournissent 2,3 kW. Si l’on utilise deux des plaques de la cuisinière à pleine puissance pendant une demi-heure chaque jour, cela correspond à 1,6 kWh par jour.
La puissance de cuisson d’un four à micro-ondes est généralement indiquée
sur sa façade : sur le mien, il est écrit 900 W. Mais en fait, le four
à micro-ondes consomme environ 1,4 kW. L’utiliser 20 minutes par jour
consomme donc 0,5 kWh par jour.
Un four traditionnel est plus gourmand : environ 3 kW à pleine puissance.1 Si on l’utilise chaque jour pendant une heure, dont la moitié du temps à pleine puissance, cela fait 1,5 kWh par jour.
Appareil | puissance | temps par jour |
énergie par jour |
---|---|---|---|
Cuisiner | |||
– bouilloire | 3 kW | ⅓ h | 1 kWh/j |
– micro-ondes | 1,4 kW | ⅓ h | 0,5 kWh/j |
– plaques électriques | 3,3 kW | ½ h | 1,6 kWh/j |
– four électrique | 3 kW | ½ h | 1,5 kWh/j |
Nettoyer | |||
– lave-linge | 2,5 kW | 1 kWh/j | |
– sèche-linge | 2,5 kW | 0,8 h | 2 kWh/j |
– armoire de séchage | 0,5 kWh/j | ||
– corde à linge | 0 kWh/j | ||
– lave-vaisselle | 2,5 kW | 1,5 kWh/j | |
Refroidir | |||
– réfrigérateur | 0,02 kW | 24 h | 0,5 kWh/j |
– congélateur | 0,09 kW | 24 h | 2,3 kWh/j |
– climatiseur | 0,6 kW | 1 h | 0,6 kWh/j |
Un lave-linge, un lave-vaisselle, un sèche-linge consomment tous une puissance d’environ 2,5 kW lorsqu’ils fonctionnent.
Un lave-linge consomme environ 80 litres d’eau par charge, avec un coût en énergie d’environ 1 kWh en lavant à 40°C. Si, pour faire sécher le linge, on utilise une armoire de séchage au lieu d’un sèche-linge, il faut toujours de la chaleur pour faire s’évaporer l’eau du linge — à peu près 1,5 kWh pour faire sécher une charge de linge, au lieu de 3 kWh.2
En faisant le total de toutes ces estimations liées à l’eau chaude, on
arrive assez facilement à environ 12 kWh par jour et par personne.
Alors, qu’est-ce qui exige le plus de puissance : de chauffer notre eau
et nos aliments, ou de chauffer l’air via les radiateurs de nos bâtiments ?
Une des manières d’estimer la quantité d’énergie consommée par jour
pour chauffer l’air est d’imaginer un bâtiment chauffé par des convecteurs
électriques, parce que les puissances électriques nous sont plus
familières. La puissance d’un radiateur électrique, ventilé ou non, est de 1 kW
(soit 24 kWh par jour). En hiver, on peut considérer qu’il en faut un par
personne pour être à l’aise. En été, aucun. On peut donc estimer qu’en
moyenne, un humain moderne a besoin de consommer 12 kWh par jour
d’air chaud. Mais la plupart des gens en consomment plus qu’ils n’en ont
besoin, et laissent plusieurs pièces chauffées en même temps (disons, la
cuisine, le salon, le couloir, la salle de bains). Donc, un chiffre vraisemblable
de la consommation d’air chaud est de l’ordre du double de ce
chiffre :
24 kWh par jour et par personne.
Le chapitre E, qui accompagne ce chapitre-ci, fait un compte plus détaillé de la manière dont un bâtiment consomme de la chaleur. Son modèle permet de prédire ce que l’on économisera en baissant le thermostat, en mettant des doubles vitrages aux fenêtres, etc.
On observe une tendance grandissante à chauffer l’air extérieur des terrasses. Ces chauffe-terrasses ont typiquement une puissance de 15 kW. En utiliser un tous les soirs pendant deux heures, consomme donc 30 kWh par jour supplémentaires.
Un luxe plus modeste, c’est la couverture chauffante. Une couverture
chauffante pour un lit double consomme 140 W ; son utilisation pendant
une heure consomme donc 0,14 kWh.
On ne fait pas que changer la température de l’eau et de l’air autour de nous. On change aussi la température de certaines armoires froides que l’on loge dans les serres qui nous servent de maisons. Mon réfrigérateurcongélateur, que l’on voit en figure 7.3, consomme en moyenne 18 W — soit environ 0,5 kWh/j.
Dans les pays dans lesquels la température dépasse 30°C, la climatisation est vue comme une nécessité, et le coût en énergie de ce contrôle de la température peut être élevé. Toutefois, ce chapitre du livre parle de la consommation d’énergie en Grande-Bretagne, où les températures ne requièrent qu’un faible usage de la climatisation (figure 7.8). Une manière économique de climatiser est d’utiliser une pompe à chaleur air-air. Un climatiseur d’air électrique pour une seule pièce, installé au niveau d’une fenêtre, consomme 0,6 kW d’électricité et (par échange de chaleur) fournit 2,6 kW de refroidissement. Pour estimer la quantité d’énergie qu’une personne pourrait utiliser au Royaume-Uni pour la climatisation, j’ai supposé qu’elle l’allumerait environ 12 heures par jour pendant 30 jours par an. Durant les jours où il est allumé, le climatiseur consomme 7,2 kWh. La consommation moyenne sur l’année est donc de 0,6 kWh/j.
L’estimation que ce chapitre fait du coût en énergie du refroidissement — 1 kWh/j par personne — inclut cette climatisation et l’usage d’un réfrigérateur domestique. Notre société fait aussi appel à la réfrigération entre la ferme et le panier de la ménagère. Nous ferons une estimation de ce coût énergétique de la chaîne alimentaire plus loin, au chapitre 15.
Notre estimation grossière de la puissance totale qu’une personne pourrait consommer pour chauffer et refroidir (y compris à la maison, sur le lieu de travail, et pour faire la cuisine) est de 37 kWh/j par personne (12 pour l’eau chaude, 24 pour l’air chaud, et 1 pour le refroidissement).
La preuve que cette estimation est dans la bonne fourchette, ou peutêtre un peu en dessous, vient de ma propre consommation de gaz de ville, qui, sur 12 ans, a été en moyenne de 40 kWh par jour (figure 7.9). A l’époque, je me croyais un consommateur de chauffage assez frugal, mais je ne faisais pas très attention à ma consommation réelle de puissance. Le chapitre 21 révélera les économies que j’ai pu réaliser en commençant à y faire vraiment attention.
Puisque le chauffage est un élément important de notre pile de consommation, essayons de vérifier nos estimations en les confrontant à quelques statistiques nationales. À l’échelle de la Grande-Bretagne, la consommation moyenne domestique pour le chauffage, l’eau et la cuisine en l’an 2000 était de 21 kWh par jour et par personne ;3 la consommation du secteur des services pour le chauffage, le refroidissement, la restauration, et l’eau chaude était de 8,5 kWh/j par personne. Pour une estimation du chauffage sur le lieu de travail, on peut prendre la consommation de gaz de l’université de Cambridge en 2006–2007 : 16 kWh/j par employé.4
En faisant le total de ces trois chiffres, une seconde estimation de la consommation nationale est de 21 + 8,5 + 16 ≈ 45 kWh/j par personne, en supposant que l’Université de Cambridge ne soit pas un lieu de travail atypique. Bon, voilà qui est rassurant : ce chiffre est assez proche de notre première estimation de 37 kWh/j.
↑ 1
Un four consomme 3 kW.
Évidemment, il y a tout une gamme de puissances.
De nombreux fours ont une puissance maximale de 1,8 kW ou 2,2 kW. Certains
fours haut de gamme consomment jusqu’à 6 kW. Par exemple, la cuisinière
Whirlpool AGB 487/WP 4 inclut un four de 5,9 kW, et quatre plaques
de cuisson de 2,3 kW.
www.kcmltd.com/electric oven ranges.shtml
www.1stforkitchens.co.uk/kitchenovens.html
↑ 2 Une armoire de séchage requiert environ 1,5 kWh pour sécher une charge de linge. J’ai trouvé ce résultat en pesant le linge que je lavais : une charge de linge, 4 kg une fois sec, sortait de ma machine à laver Bosch en pesant 2,2 kg de plus (même après un bon essorage germanique). La chaleur latente de vaporisation de l’eau à 15°C est d’environ 2 500 kJ/kg. Pour obtenir le chiffre par jour montré par le tableau 7.4, j’ai supposé qu’une personne faisait une lessive tous les trois jours, et que le séchage de ce linge absorbait la précieuse chaleur de la maison durant la moitié la plus froide de l’année. (En été, l’armoire de séchage fournit un peu de climatisation, puisque l’évaporation de l’eau provoque un léger rafraîchissement de l’air dans la maison.)
↑ 3 Au niveau national, la consommation moyenne domestique était de 21 kWh/j/pers ; la consommation du secteur des services était de 8,5 kWh/j/pers. Source : Department of Trade and Industry (2002a).
↑ 4 En 2006–2007, la consommation de gaz de l’université de Cambridge était de 16 kWh/j par employé. La consommation de gaz et de pétrole de l’université de Cambridge (sans compter les « Colleges », leurs salles de cours et leurs résidences étudiantes) était de 76 GWh en 2006–2007. J’ai annoncé que 13 300 personnes y travaillaient (8 602 employés et 4 667 chercheurs de troisième cycle). Soit dit en passant, sa consommation d’électricité était de 99,5 GWh. Source : rapport des services de l’université.